PROJET d’INSTITUT de GEOPOLITIQUE EUROPEENNE


Jean-Claude Empereur
Jueves, 29 de Marzo 2012

Très récemment les « experts » du forum de Davos ont considéré, pour plus de la moitié d’entre eux, qu’il existait pour les douze mois à venir « un risque géopolitique majeur » voire même un rique d’affrontement militaire de haute intensité. Ce genre de prise de position venant de ce haut lieu de la pensée économique conforme et globalisée mérite attention.


Cette analyse illustre parfaitement le fait que la crise à laquelle nous sommes confrontés est en réalité une crise géopolitique, beaucoup plus qu’une crise économique et financière. Nous abordons une phase de « basculement  du monde »  pour reprendre l’expression de l’économiste et géopolitologue français Hervé Juvin.
Il ne s’agit plus de savoir quand nous sortirons de la crise mais comment et dans quel état nous allons entrer dans « le monde d’après la crise ». Il y a sur ce point une grande concordance d’analyse entre un certain nombre de prospectivistes européens ou américains (LEAP, Trends Research Institute, De Defensa, pour ne citer que les plus flamboyants…).

Comme le rappelle le géopolitologue Robert Kagan : « le monde est redevenu normal ». La mondialisation apparait maintenant pour ce qu’elle est : une compétition acharnée voire coercitive que se livrent dans tous les domaines quelques grands blocs continentaux. On est bien loin de l’idéologie lénifiante de la « fin de l’histoire » ou de celle plus irénique encore du « doux commerce » chère aux philosophes des Lumières.

Dans le monde à venir tout devient géopolitique.

Les Européens qui ont été durant des siècles les acteurs du monde en sont devenus, depuis cent ans, (déclenchement de la première guerre mondiale) les enjeux.
Le paradoxe de la situation actuelle est que la crise leur donne l’occasion, s’ils en ont la volonté et le courage, de reprendre leur destin en main.
Mais pour cela il leur faut développer leur propre vision géopolitique du monde.

Or, aujourd’hui, chacun des grands acteurs continentaux mondiaux Etats–Unis, Chine, Inde, Russie, Brésil (mais aussi quelques acteurs de taille plus modeste disposant de ressources humaines ou naturelles exceptionnelles et stratégiquement disposés sur des positions clefs : Japon, Corée du sud, Israël, Afrique du Sud..) se sont forgés non seulement une vision géopolitique planétaire globale mais aussi, très souvent, une projection de cette vision sur l’Europe.

Sans vision commune extérieure les Européens se trouvent ainsi confinés au fond de ce que l’on pourrait appeler une « trappe géopolitique ». Pire encore, depuis quelque temps, la crise aidant, réapparaît, au fond de cette trappe, l’amorce de conflits internes (tensions franco-allemandes au sujet du projet d’Union pour la Méditerranée, rupture Anglo-européenne à l’issue du sommet du 9 décembre 2011, attitude hongroise vis à vis des minorités dispersées en Europe centrale, conflits latents en ex-Yougoslavie etc…)

Dans cette perspective et face à ces différents périls, l’idée du développement d’une pensée et d’une vision géopolitique authentiquement européenne est une nécessité impérieuse.

Cette pensée n’est actuellement formulée nulle part et certainement pas au sein des institutions européennes qui ont toujours été plus que réticentes dans ce domaine pour de multiples raisons qu’il sera d’ailleurs intéressant d’élucider.

L’Europe est actuellement confrontée à trois scénarios : la survie sous perfusion, la dislocation monétaire et institutionnelle, la renaissance volontariste. Le premier est, si nous n’y prenons garde, sans doute le plus probable, c’est peut être le plus dangereux car le plus insidueux, le second est tout à fait possible car le monde entier est entré dans une phase de dislocation/recomposition accélérée, le dernier est de loin le plus souhaitable, mais il est à craindre que la crise ne soit pas encore assez avancée pour que les Européens en soient vraiment convaincus.

Notre « Red Europea de Reflexion Geopolitica » pourrait être, en approfondissant cette analyse, l’initiateur puis le fédérateur d’une véritable pensée géopolitique.

Les quelques idées qui suivent, bien entendu complétées par beaucoup d’autres provenant de discussions organisées entre nous, pourraient servir d’esquisse à notre réflexion.

I-Vision géopolitique : proposition de définition.

Une telle vision, consiste à considérer ou à tirer partie, dans les relations internationales, et face au processus de mondialisation en cours, de l’ensemble des avantages et des inconvénients résultant de la position et de la configuration d’un Etat, ou d’une Union d’Etats, sur la planète.
Cette approche, si on la retient, implique une réflexion sur les domaines auxquels cette vision s’applique et les vecteurs qui permettent sa mise en œuvre voire sa projection.
Cette vision commune et interne aux Européens devrait constituer le cœur de leur politique internationale.

II- Les domaines.

Pour l’essentiel il s’agira des relations avec les principaux acteurs mondiaux :
· Etats–Unis et monde atlantique,
· Russie et Eurasie,
· Amérique du Sud (certainement un domaine d’excellence pour notre « Red », compte tenu des relations particulières de L’Espagne et du Portugal avec cet ensemble hautement stratégique pour l’avenir de l’Europe).
· Chine,
· Inde,
· Proche et Moyen Orient
· Afrique.
· Autres acteurs potentiels.

Dans chacune des situations il conviendra d’effectuer, à la lumière des principes de la géopolitique, une analyse des forces et faiblesses des relations de l’Europe avec ces différents acteurs et de proposer de nouveaux positionnements et de nouvelles relations ou coopérations stratégiques.
Il importera également de s’interroger, dans chaque cas, sur la vision géopolitique que chacun de ces acteurs porte en retour sur l’Europe.

III- Les vecteurs.

Il s’agit d’envisager, à ce niveau, l’ensemble des moyens qui doivent permettre à l’Europe la reprise en main de son destin et inventer un modèle de souveraineté protectrice, libératrice et anticipatrice.

Les Européens ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes pour survivre en tant qu’acteurs majeurs du bouleversement géopolitique en cours, mais ils n’en ont pas encore une claire conscience, tant ils paraissent saisis d’effroi et de désarroi par la situation inédite à laquelle ils sont confrontés. Cette attitude ne doit en aucun cas se traduire par une volonté d’isolement ou d’enfermement dans on ne sait quelle réaction obsidionnale.

La liste de ces vecteurs est inépuisable. On en isolera quelques uns :
· Monnaie,
· Défense,
· Espace,
· Energie,
· Culture,
· NBIC,
· Démographie,
· Etc…
Pour chacun d’eux des politiques et des stratégies communes de puissance, d’indépendance et de souveraineté devront être définies et mises en oeuvre.

A partir de ce schéma de pensée le Red Europea de Reflexion Geopolitica appuyé par différents partenaires en réseau devrait être en mesure de définir les contours et les objectifs d’un institut paneuropéen de reflexion géopolitique

IV- Programme et méthode.

Le projet de livre évoqué recemment par Xulio Rios et dont celui-ci a esquissé avec Jean-Paul Baquiast une première ébauche pourrait être croisé avec les idées qui viennent d’être évoquées. Nous disposerions ainsi d’ici la fin de l’année d’une plateforme qui permettrait de fixer les idées de notre « Red ».

Sur la base de cette plateforme dont le rôle pour la présentation et la promotion de nos idées serait essentiel deux actions pourraient être engagées rapidement :
· Rechercher quelques sponsors intéréssés par notre démarche afin de nous doter d’un minimum de moyens financiers,
· Organiser, sur nos positions, un réseau européen de laboratoires d’idées. Il existe déjà des organismes dispersés sur le territoire européen qui pourraient nous rejoindre. Nous en connaissons tous, qu’il s’agisse de centres de recherche, d’universités, de fondations privées ou d’entreprises etc…
Le « Red Europea de Reflexion Geopolitica » en se situant ainsi, avec ses différents partenaires, au coeur d’un « réseau de réseaux » constituerait alors l’organisme de préfiguration de ce futur « Institut de géopolitique européenne  ».

Jean-Claude Empereur.
Janvier 2012.