Réseau européen de réflexion géopolitique/European network of geopolitical thinking
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Jean-Paul Baquiast
Lunes, 2 de Enero 2012
On pourrait penser que ces deux blocs sont inégaux, mais il n'en est rien. C'est au contraire le bloc atlantique qui paraît en état de faiblesse. Tout au moins dans le cadre de l'affrontement actuel qui se polarise sur la liberté de circulation des tankers dans le détroit d'Ormuz.
L'Iran a réussi à rassembler autour d'elle la Russie et la Chine. Le bloc atlantique comprend certes outre les Etats-Unis, Israël et on peut le supposer jusqu'à nouvel ordre les membres de l'Otan. Mais il vient de démontrer que face à un risque géostratégique local, provenant de l'Iran (couper le détroit) il ne dispose pas de mesures de rétorsion - sauf à déclencher contre l'Iran une guerre qui serait nécessairement de grande intensité.
Or ce pays, dont les capacités manouvrières paraissent bien supérieures à ses forces militaires réelles, est actuellement en train de ridiculiser la puissance américaine, avec des opérations réussies dans le domaine de la cyber-guerre, suivies hier de menaces de blocus du détroit, non suivies pour le moment d'effets, qui ont pris à contre pied l'Amérique.
Incroyablement confiante dans son ancienne politique de puissance, l'Amérique et avec elle son allié Israël, viennent de découvrir que toute réplique militaire de leur part à un blocus iranien mobiliserait contre elles la Russie et la Chine, trop contente de réaffirmer leurs présences dans le golfe Persique et au delà. De plus, l'appui escompté des monarchies pétrolières ferait sans doute défaut, au moins initialement, Washington ayant été incapable de montrer de quel côté il se situait face aux « révolutions arabes ». Le Pentagone, pour ne pas parler d'Obama lui-même, apparemment totalement dépassé, n'a manifestement rien prévu de la façon de faire face à une aggravation des tensions, et a fortiori à des affrontements se généralisant, dont le recours à la force nucléaire pourrait devenir l'enjeu final.
Ajoutons que l'Europe n'a pas clairement laissé entendre de quel côté elle se situerait en cas de tension s'aggravant entre l'Amérique et la Russie. Elle a certes besoin du pétrole arabe mais elle a semble-t- il encore plus besoin du gaz russe. De plus, ses besoins en énergie ne peuvent lui tenir lieu de grande ligne diplomatique. Jusqu'à présent, sa passivité et son imprévoyance à la remorque des « initiatives » de plus en plus irresponsables de la diplomatie américaine, courant tel un canard sans tête, ne lui permettent pas de valoriser auprès des parties en conflit, y compris l'Iran, les quelques atouts de stabilisation qu'elle pourrait faire valoir.
On a beaucoup parlé, en cette fin d'année 2011, des risques que courait l'Europe du fait de son incapacité à maitriser les puissances financières mondiales. Mais ces risques paraissent aujourd'hui bénins, au regard de la situation qui se développe autour du détroit d'Ormuz. Le sort de l'Europe, comme celui du monde, semble aujourd'hui dépendre de joueurs de poker insanes qui ne semblent même plus capables de mesurer leurs intérêts géopolitiques à long terme.
Or ce pays, dont les capacités manouvrières paraissent bien supérieures à ses forces militaires réelles, est actuellement en train de ridiculiser la puissance américaine, avec des opérations réussies dans le domaine de la cyber-guerre, suivies hier de menaces de blocus du détroit, non suivies pour le moment d'effets, qui ont pris à contre pied l'Amérique.
Incroyablement confiante dans son ancienne politique de puissance, l'Amérique et avec elle son allié Israël, viennent de découvrir que toute réplique militaire de leur part à un blocus iranien mobiliserait contre elles la Russie et la Chine, trop contente de réaffirmer leurs présences dans le golfe Persique et au delà. De plus, l'appui escompté des monarchies pétrolières ferait sans doute défaut, au moins initialement, Washington ayant été incapable de montrer de quel côté il se situait face aux « révolutions arabes ». Le Pentagone, pour ne pas parler d'Obama lui-même, apparemment totalement dépassé, n'a manifestement rien prévu de la façon de faire face à une aggravation des tensions, et a fortiori à des affrontements se généralisant, dont le recours à la force nucléaire pourrait devenir l'enjeu final.
Ajoutons que l'Europe n'a pas clairement laissé entendre de quel côté elle se situerait en cas de tension s'aggravant entre l'Amérique et la Russie. Elle a certes besoin du pétrole arabe mais elle a semble-t- il encore plus besoin du gaz russe. De plus, ses besoins en énergie ne peuvent lui tenir lieu de grande ligne diplomatique. Jusqu'à présent, sa passivité et son imprévoyance à la remorque des « initiatives » de plus en plus irresponsables de la diplomatie américaine, courant tel un canard sans tête, ne lui permettent pas de valoriser auprès des parties en conflit, y compris l'Iran, les quelques atouts de stabilisation qu'elle pourrait faire valoir.
On a beaucoup parlé, en cette fin d'année 2011, des risques que courait l'Europe du fait de son incapacité à maitriser les puissances financières mondiales. Mais ces risques paraissent aujourd'hui bénins, au regard de la situation qui se développe autour du détroit d'Ormuz. Le sort de l'Europe, comme celui du monde, semble aujourd'hui dépendre de joueurs de poker insanes qui ne semblent même plus capables de mesurer leurs intérêts géopolitiques à long terme.
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Jean-Paul Baquiast
Martes, 20 de Diciembre 2011
La date du 16 décembre a confirmé l'intérêt de la coopération entre Arianespace et les Russes afin d'utiliser la base de Kourou pour élargir les possibilités de la fusée Soyouz.
Précédemment, un vol inaugural préparé depuis plus de 6 mois s'était traduit par la mise en orbite le 21 octobre de deux nouveaux satellites du système de positionnement satellitaire européen (GPS) Galiléo. En test depuis fin 2005 à la suite des lancements des deux premiers satellites Giove-A et Giove-B en décembre 2005 et avril 2008, l'ensemble des quatre premiers satellites de la constellation sera testé à partir de 2012. Retardé plus de 5 ans pour des raisons politiques, ce système sera indispensable à l'indépendance européenne dans un domaine très disputé. Il devrait avoir, outre un usage principalement civil, un rôle important dans le positionnement militaires. Les signaux reçus des satellites ont pour le moment donné satisfaction. Mais il faudra malheureusement attendra 2014 pour que le système global soit pleinement opérationnel
Le vol du 16 décembre a lui aussi été un plein succès. Il a permis la mise consécutive en orbite de 6 satellites construits par Astrium. Il a duré 3 heures et 26 minutes. Le premier satellite déployé a été Pléiades 1, satellite d'un peu moins d'une tonne et premier des deux satellites Pléiades, qui permettront l'imagerie optique en couleur et en trois dimensions pour la défense, l'industrie et pour la protection de l'environnement. Pleiades 1 dispose d'une optique très performante opérant à partir d'une orbite de 700 km. Elle permet une résolution de 50 cm sur une bande de couverture large de 20 km. La localisation des images et les facilités de mise en oeuvre devraient être de grande qualité.
La mise en orbite de Pléiades 1 a été suivie de la séparation simultanée des quatre micro-satellites ELISA (Electronic Intelligence Satellite) . Ceux-ci ont été présentés par certains médias comme l'acquisition depuis longtemps attendue de satellites militaires permettant de compléter les observations de terrain nécessaires à la défense française. Il ne s'agit pas de cela pour le moment (tâche qui relève plutôt, dans le domaine optique, des Pléiades 1 et 2) mais seulement d'un démonstrateur intéressant la DGA, le CNES et les industriels Astrium et Thales Airborne Systems.
L'objectif est de valider les techniques de détection de radars et d'émission radio-électrique depuis l'espace. Cette mission développée par le CNES pour le compte de la DGA utilise 4 satellites de 130 kg reposant sur une plateforme Myriade placés à quelques kilomètres les uns des autres sur une orbite héliosynchrone basse. L'interprétation combinée des mesures des signaux effectuées par satellite permet de localiser et de caractériser les radars.
Il aura cependant déjà une vocation opérationnelle, laisse entendre le ministère français de la défense. Le système sera exploité au sol par la direction générale de l'armement (DGA) et la direction du renseignement militaire (DRM). A terme, le système opérationnel complet, Ceres, couvrira les émissions radar et télécom. Il permettra de reconstituer l'architecture d'un réseau de téléphonie ou de radio, donc d'établir l'organisation d'un état-major, mais aussi de mesurer son niveau d'activité, c'est-à-dire d'anticiper l'action d'un adversaire. On peut espérer que dans quelques années, ce type de satellites deviendra pleinement opérationnel et intégré à la défense européenne. Ceci permettra à la France et le cas échéant à ses alliés européens d'échapper en ce qui concerne la détection des radars à la domination massive des systèmes américains d'intelligence satellitaire.
Le satellite chilien SSOT (Sistema satelital de Observacion de la Tierra) a été déployé en dernier. Il s'agit d'un petit observatoire optique à rôle dual (civil et militaire) destiné à des tâches intéressant en premier lieu la surveillance de l'environnement et la gestion des ressources agricoles. Il a été construit dans le cadre d'une coopération entre l'armée chilienne, le CNES et Astrium, en utilisant les mêmes solutions que ELISA.
Questions budgétaires
La France est le seul pays européen à disposer d'une gamme complète de systèmes d'intelligence militaire satellitaires. Les Etats-Unis et la Russie, à une toute autre échelle pour les premiers, s'en sont dotés depuis longtemps. On suppose que la Chine est en train de faire la même chose. Il serait donc logique que les crédits nécessaires, dont les retombées sont non seulement stratégiques mais industrielles, ne soient pas discutés. Or Ceres devait être opérationnel en 2016. Mais il a été repoussé à 2020, pour des raisons budgétaires. La France cherche des partenaires européens, qui comme à l'habitude ne s'empressent pas de participer, même s'ils comptent profiter à terme de telles capacités. Notons cependant que l'Espagne s'est inscrite comme partenaire dans l'ensemble de cette démarche.
Concernant le spatial en général, les crédits promis aux armées pour le spatial (650 millions d'euros par an de 2015 à 2020) sont loin d'être garantis. L'effort a diminué depuis 2002. La loi de finances pour 2012 a inscrit 355 millions d'euros. La baisse des crédits a été significative. Dans le domaine du renseignement d'origine électromagnétique, la relève des démonstrateurs n'est pas assurée.
Quant à Pleiades 1, avec les autres moyens d'optique récents, comme Helios 2, il permettra de d'améliorer par exemple la modélisation du terrain pour les missiles de croisière. Ces systèmes d'observation seront, eux, intégrés au programme européen Musis (Multinational Space-based Imaging System for Surveillance, Reconnaissance and Observation), complémentaire de Ceres. Mais dans le climat actuel de désinvestissement, Musis est également menacé. Il sera en tous cas retardé. L'accord de coopération n'a pas été encore finalisé.
On notera que MUSIS est en concurrence avec le projet germano-américain HIROS – Ceci en dit long sur la volonté des pays européens de se doter de capacités indépendantes de celles des Etats-Unis.
Pour en savoir plus
Galileo http://fr.wikipedia.org/wiki/Galileo_%28syst%C3%A8me_de_positionnement%29
Pleiades http://www.cnes.fr/web/CNES-fr/3227-pleiades.php
Elisa http://fr.wikipedia.org/wiki/Elisa_%28satellite%29
SSOT http://en.wikipedia.org/wiki/SSOT_%28satellite%29
MUSIS http://fr.wikipedia.org/wiki/MUSIS
Voir aussi http://www.defense.gouv.fr/dga/equipement/information-communication-espace/musis
HIROS http://fr.wikipedia.org/wiki/HiROS
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Jean-Paul Baquiast
Miércoles, 14 de Diciembre 2011
Nous avons indiqué dans un éditorial précédent, (« Le legs empoisonné du Système ») que le Système économico-financier qui domine le monde a pris ses dispositions pour rendre impuissants d'éventuels gouvernements de gauche européens voulant s'en affranchir. Nous employons là une image mais elle répond selon nous aux difficultés qui attendront François Hollande ou d'autres éventuels gouvernements socialistes européens s'ils viennent au pouvoir. Il convient donc de mesurer sans attendre de telles difficultés afin d'étudier les façons de s'en prémunir.
Il en est ainsi avec l'accord européen des 8 et 9 décembre 2011. Celui-ci impose aux Etats des contraintes strictes les obligeant à respecter les équilibres budgétaires. Ces obligations, qui se justifient en principe, sont assorties de mesures empêchant les Etats de faire appel à des prêts ou crédits à très faibles taux de la Banque centrale européenne (BCE). Ces crédits seraient pourtant la principale façon de financer des investissements de service public, non rentables à court terme et en conséquence refusés par les marchés. Dans les grands Etats concurrents de l'Europe, Etats-Unis, Chine, de tels financements, se traduisant de fait par de la création de monnaie, ont toujours été et demeurent la règle, afin de donner les marges de manoeuvre nécessaires aux gouvernements et aux entreprises.
Dans cette note, nous examinerons les règles qui s'appliqueront dans le cadre de l'accord européen. Nous rappellerons ensuite les contraintes spécifiques à la France découlant de la situation économique et budgétaire actuelle du pays. Ceci sans préjuger d'éventuelles aggravation d'ici 2012 et dans les années suivantes.
On dira que tout gouvernement, dans n'importe quel pays européen, se heurtera à de telles barrières. Mais un gouvernement conservateur, n'ayant comme ambition que le maintien du statu quo, n'en souffrira que modérément. Ce ne sera pas le cas d'un gouvernement ayant promis de lutter contre les inégalités et de relancer les investissements productifs.
I. La mise en oeuvre de l'accord européen à 26
Résumons les grandes lignes de l'accord européen des 8 et 9 décembre, dit « de l'Europe à 26 ». A quelques disposition près, il confirme le système actuel d'une Europe dite des Etats, qui s'oppose à celui d'une Europe fédérale. Les dispositions communes ne pourront résulter que d'accords intergouvernementaux, supposant le consensus de tous les Etats ou, à tout le moins, celui d'une majorité dite qualifiée. Si les gouvernements européens devenaient tous socialistes, beaucoup de mesures aujourd'hui proposées dans les programmes des gauches européennes pourraient être reprises et institutionnalisés. Mais si ce n'était pas le cas, des gouvernements socialistes minoritaires ne pourraient escompter aucun soutien des gouvernements conservateurs majoritaires.
1 - Que devient l'Europe des 27 ? Officiellement, elle existe encore puisque le traité de Lisbonne n'a pas été abrogé. Mais dans les faits l'accord européen met en place une structure intergouvernementale à 26 qui devrait prendre les décisions importantes, en donnant la possibilité de court-circuiter un grand nombre de procédures communautaires actuelles. Le point important est que désormais la Grande Bretagne en sera officiellement exclue. C'est une bonne nouvelle, compte tenu des choix eurosceptiques voire anti-européens qui ont toujours été ceux de ce pays. La Grande Bretagne ne pourra plus miner de l'intérieur les décisions européennes, au service de ses intérêts et surtout de ceux du bloc atlantique dont elle demeure le représentant. Cependant, connaissant le pouvoir d'influence des groupes financiers anglo-américains, le nombre considérable de leurs représentants au sein des institutions européennes et des Etats eux-mêmes, on peut être persuadé qu'ils continueront à peser pour combattre toute velléité d'indépendance et de souveraineté européenne.
2 - Que devient le traité de Maastricht ? Il n'est pas modifié. En ce sens le fonctionnement de l'eurozone se poursuivra. De nouveaux membres, notamment la Pologne, devraient la rejoindre prochainement. Il s'agit là encore d'une bonne nouvelle, aux yeux de tous ceux pour qui l'euro demeure indispensable aux pays européens pour qu'ils s'affirment face aux autres blocs monétaires, dollar, yuan chinois et yen japonais.
3 - Comment se traduira la convergence budgétaire? Le terme désigne la volonté d'harmoniser les préparations des budgets nationaux de façon à respecter le Pacte de stabilité. Celui-ci prévoit en principe de limiter les déficits publics à 3 % du PIB (Produit intérieur brut ) et le niveau de la dette à 60 % de ce même PIB (1). La convergence budgétaire est la mesure la plus visible de l'accord. Elle repose sur un principe sain en soi: réaliser un minimum de consensus entre Etats visant à ne pas dépenser plus qu'ils ne gagnent. Par ailleurs le dispositif proposé n'est pas critiquable aux yeux de ceux qui militent pour une fédéralisation progressive de l'Europe. L'objectif est de renforcer le pouvoir de contrôle de l'Union européenne dans la préparation des budgets, en contraignant les pays à revoir leurs projets s'ils ne rentrent pas dans les cadres impartis.
Mais ce concept obligerait à distinguer entre dépenses de fonctionnement (de consommation) et dépenses d'investissements. Il est tout à fait sain de proportionner les dépenses de fonctionnement des collectivités publiques au montant de leurs diverses recettes. Par contre, les dépenses d'investissements doivent être traitées d'une toute autre façon. Si les investissements sont bien choisis, ils deviennent producteurs à terme de recettes permettant de rembourser les dépenses. Il convient donc de mettre en place des procédures de financement à moyen et long terme permettant de gérer l'investissement et son amortissement. Il faut aussi parallèlement s'assurer que les investissements sont sains et ne font pas l'objet de détournements par des intérêts particuliers.
Nous avons précédemment suggéré pour ce faire la création d'un ou plusieurs fonds stratégiques européens d'investissement, alimentés si nécessaire par des avances sans intérêt de la BCE. Il s'agirait au sens propre de création de monnaie, mais au profit des Etats et non des banques. Rappelons que c'est depuis l'avant- dernière guerre mondiale ce qu'a fait systématiquement la Fed américaine au profit du Trésor US. Or les contraintes mises comme indiqué ci dessous par l'accord européen sur la BCE empêchent une telle démarche. Autrement dit, elles empêchent toute politique de relance et d'investissement européenne. Ceci devrait être considéré par les opinions publiques comme inacceptable.
Pour prévenir toute dérive des budgets nationaux liée au non-respect du Pacte de stabilité, le Conseil européen a décidé du principe de sanctions automatiques - sous la forme d'amendes - si le déficit public, comme indiqué ci-dessus, dépasse le plafond de 3 % du PIB ou si le seuil de la dette souveraine franchit 60 % du PIB. Dans ce cadre, et en attendant que les modalités de ces sanctions soient toutes fixées, le principe « d'automaticité » a été décidé, à moins qu'une majorité qualifiée d'États membres de la zone euro ne s'y oppose. Parmi les sanctions, il y aura l'obligation d'un dépôt de 0,2 % du PIB pour le pays qui sera visé par une procédure du déficit excessif. Cette automaticité des sanctions représente un transfert de souveraineté important. Elle institue un début d'approche fédérale dans les politiques budgétaires. Même si elle ne s'accompagne pas du corollaire qui sera indispensable (un pouvoir de négociation et de contrôle donné au Parlement européen), elle devrait être considérée comme positive.
Pour éviter une révision des traités, longue et risquée, les présidents de l'Union et de la Commission ont proposé de suivre une procédure plus rapide et plus souple. Il s'agira de changer le protocole annexé au traité de Lisbonne, qui concerne les procédures de déficit excessif.
4- Qu'en sera-t-il d'un nouveau Traité ? Selon les conclusions du sommet, un nouveau traité comportant ces dispositions sera rédigé d'ici à mars 2012. Il ne devra pas obligatoirement faire l'objet d'un référendum dans les pays qui le signeront. Il sera intégré le plus rapidement possible au cadre communautaire. Ainsi les institutions actuelles de l'Union européenne pourront être utilisées en base de ce nouveau traité. Les modalités juridiques précises doivent désormais en être discutées mais, sur le fond, ce nouveau traité s'inspirera très largement de la lettre franco-allemande transmise en décembre à Herman Van Rompuy, ainsi que des propositions de ce dernier. En attendant, la remise en cause des garanties en matière de souveraineté qu'offrent les traités européens actuels devrait donner lieu à débat dans les pays concernés, selon des procédures propres à chacun d'eux .
5 - Que sera le rôle de la BCE ? Il s'agit d'un point capital, comme nous l'avons indiqué. À ceux qui réclament que la Banque centrale européenne joue le rôle de prêteur en dernier ressort des États - ce que les traités lui interdisent - le président de l'institution, Mario Draghi, a opposé un refus catégorique. On peut penser qu'en cela, il a simplement repris et défendu la position de l'Allemagne, qui veut éviter le laxisme de certains gouvernements. Mais c'est aussi la position des intérêts financiers internationaux, qui veulent se réserver le monopole du financement de la reprise et de la croissance. Ceci veut dire que la BCE ne rachètera pas les dettes des Etats, si ceux-ci, se montrant incapables d'assurer l'équilibre des budgets, tels que prévu par l'accord, empruntaient auprès des marchés afin d'investir pour le compte de la puissance publique.
Cette disposition et a fortiori celle en découlant interdisant à la BCE de prêter directement des fonds aux Etats, empêchera toutes politiques d'investissements publics destinées à financer des dépenses stratégiques d'équipement ou de lutte contre les inégalités. Nous venons d'indiquer que de telles politiques seraient au contraire indispensables. Des dispositions contraires pourraient être décidées par les Etats et imposées par à la BCE, mais elles nécessiteraient un accord de ceux-ci. Un tel accord serait improbable si la majorité des gouvernements européens restait orientée à droite.
Par contre, en pratique, la BCE a opté pour un rôle de prêteur en dernier ressort des banques, à l'origine de 75 % du financement de l'économie de la zone euro. Autrement dit, elle se réserve la possibilité de soutenir les banques européennes qui ne se trouveraient plus elles-mêmes en mesure de soutenir les entreprises européennes. Elle a même en ce sens étendu ses opérations de refinancement à long terme, à taux fixes et en quantités illimitées, portées d'une durée maximale de treize mois à trente-six mois. Selon certains, cette extension, jointe à l'assouplissement des titres acceptés par la BCE en garantie de ses prêts, pourrait contribuer à faire baisser les rendements à long terme en donnant aux banques les capacités de soutenir le marché des dettes souveraines des Etats, Il s'agirait d'une forme d'assouplissement quantitatif, le Quantitative Easing américain, mais sans création monétaire et pour des montants plus limités. Ceci étant, les banques, et non pas les Etats, resteraient de toutes façons les arbitres des décisions à prendre. On peut penser qu'elles ne feraient rien pour favoriser les politiques d'éventuels gouvernements orientés à gauche.
6 - Que sera la mission du Fonds européen de stabilité financière (FESF )? Mario Draghi a annoncé que la BCE était disposée à agir comme agent du FESF. Concrètement, la BCE, via les banques centrales nationales, conduira pour le compte du FESF ses opérations d'achat sur les marchés d'obligations d'État des différents pays membres de la zone euro. Les émissions de dettes du FESF servant à financer ces interventions seront également conduites par la BCE, via en principe la Bundesbank. Conçues à l'origine pour se substituer aux achats de la BCE lancés dans l'urgence le 10 mai 2010 pour contenir la flambée des taux souverains, les interventions du FESF ont été avalisées en septembre par les Parlements européens.
La BCE déterminerait ainsi les conditions et les modalités de l'intervention du Fonds. Ce qui renforcera durablement son rôle au sein du dispositif de stabilité financière sans contrevenir à son interdiction de financer directement les États membres.
7- Que va devenir le Mécanisme européen de stabilité (MES) ? Le MES est un dispositif de gestion des crises de la zone euro qui doit se substituer au FESF en 2013. Son rôle devrait être défini avec précision dans la cadre de la future renégociation des traités. Ce MES remplacera de manière anticipée en juillet 2012 le FESF dans ses fonctions de soutien des marchés et disposera d'un capital de 80 milliards d'euros de fonds propres pour 500 milliards de capacité d'action. Outre le FESF, qui poursuivra jusqu'à la mi-2013 le financement des programmes d'aide à l'Irlande et au Portugal, la BCE sera également l'agent du MES.
9 - Quelle place prendra le FMI ? Devant les difficultés à augmenter la puissance d'intervention du Fonds européen de stabilité financière, il a été décidé de renforcer le Fonds monétaire international (FMI), dont les 300 milliards d'euros disponibles apparaissent bien faibles face à une éventuelle contagion de la crise en zone euro. La négociation est encore loin d'être achevée. L'Europe s'est donné dix jours pour confirmer son intention d'augmenter sa contribution au FMI de 200 milliards d'euros afin de financer des prêts bilatéraux du FMI aux Etats. Mais qui accordera ces prêts bilatéraux? La question est importante, si l'on admet que désormais le FMI est repassé presque entièrement sous l'influence américaine (sans mentionner celle qui se renforcera à terme de la Chine). Certains souhaiteraient voir intervenir la BCE ou les banques centrales nationales. Pour Mario Draghi, l'esprit des traités serait bafoué si les montants prêtés étaient exclusivement réalloués aux pays européens.
10 - Et au delà? Il a été très largement noté que l'accord de décembre ne prévoit, au delà du dispositif de contrôle des budgets résumé ci-dessus, aucune disposition qui pourrait annoncer la nécessaire fédéralisation des actions gouvernementales requise pour une bonne gestion de la zone euro. Rien en ce sens n'est envisagé: ni ministre commun des finances, ni harmonisation des réglementations fiscales et sociales, ni compétences de contrôle renforcé attribuées au Parlement européen, le seul organe pouvant se prévaloir d'une amorce de légitimité démocratique. A plus forte raison personne n'a évoqué le passage proche ou lointain à une procédure constitutionnelle visant à la réalisation d'une forme un peu ambitieuse de fédération des Etats-unis d'Europe.
Les forces politiques de droite continuent à s'y opposer. Au contraire, les gauches européennes y sont dans l'ensemble favorable. Il faudra donc attendre des renversements de majorité généralisés pour que l'Europe fédérale voit enfin le jour. Dans ces conditions, toutes les politiques de puissance (monétaire, industrielle, technologique , diplomatique et militaire) dont l'Europe aurait besoin pour exister dans le concert international ne seront pas d'ici longtemps au rendez-vous de l'histoire.
II. Les marges de manoeuvre de François Hollande
Nous nous limiterons ici à présenter quelques chiffres mettant en évidence les contraintes auxquelles se heurtera un futur président français, qu'il s'agisse de François Hollande ou de tout autre. Mais dans le cas de François Hollande, ces contraintes seront amplifiées et durcies par les gouvernements de droite et par les institutions européennes où ils sont représentés.
1. Fondamentaux
Les montants retenus ici sont approximatifs et valent pour 2011
PIB français: 1950 milliards d'euros ou 2600 milliards de dollars pour 65 millions d'habitants. Par comparaison le PIB allemand est de 3900 milliards de dollars pour 81 millions d'habitants . Soit par habitant, 40.000 en France et 48000 en Allemagne. Aux États-Unis, le PIB est de 14.000 milliards de dollars soit par habitant47000 dollars. Les différences ne sont pas très importantes.
Déficit commercial français : 75 milliards d'euros. L'Allemagne dispose d'un excédent commercial d'environ 180 milliards. Les Etats-Unis ont un déficit commercial d'environ 500 milliards de dollars.
Déficit budgétaire français: estimé pour 2011 à 98 milliards, soit environ 5,8% du PIB, comportant 49 milliards de charges de la dette (remboursement des intérêts de l'année)
Dette publique française: pour 2011 la dette globale serait de l'ordre de 1700 milliards d'euros soit environ 85% du PIB. La dette publique allemande est de 2.000 milliards. De plus elle n'inclut pas le financement des retraites. La dette publique des Etats-Unis serait de 14. 712 milliards de dollars, soit plus de 100 % du PIB. Mais le calcul est rendu difficile compte tenu de la prise ou non prise en compte des dettes des Etats et autres collectivités locale.
Dans l'ensemble on voit que les fondamentaux français ne sont pas particulièrement défavorables, au regard de ce qu'ils sont pour d'autres Etats non cités ici. Un futur gouvernement français disposera de certaines marges de manoeuvre. Le point le plus critique est la faiblesse de l'investissement industriel, notamment au niveau des PMI.
2. Finances publiques
Le budget de l'Etat
Dépenses: 362 milliards, soit:
- 81 milliards pour les salaires de fonctionnaires
- 38 milliards pour les pensions des fonctionnaires
- 25 milliards de dotations aux collectivités
- 49 milliards d'intérêts de la dette
- 124 milliards de dépenses diverses (fonctionnement et investissement). En dehors d'une réduction difficile à justifier des salaires et pensions des fonctionnaires, les seules économies possibles sont sur ce poste. Mais elles supposeront un « échenillage » très difficile.
Recettes 266 milliards soit
TVA : 130 milliards
TIPP : 14 milliards
Enregistrement : 15 milliards
Impôt sur le revenu : 48 milliards
Impôts sur les sociétés: 35 milliards
Autres: 24 milliards
Il est indéniable que la grande réforme fiscale envisagée par la gauche permettrait d'augmenter certaines de ces recettes, en allégeant les inégalités actuelles. Mais il ne faudrait pas en espérer globalement d'importants ressources nouvelles, sauf les quelques 20 milliards découlant de la suppression des niches fiscales les plus injustes.
Les vraies économies proviendraient d'une lutte renforcée contre les fraudes, fuites dans les paradis fiscaux et autres détournements (peut-être 300 milliards). Mais en l'absence de l'adoption de dispositions identiques à l'échelle européenne, de telles mesures se traduiraient initialement par une recrudescence des fraudes et délocalisations dont bénéficieraient les Etats voisins et plus généralement les pays étrangers à la zone euro.
On voit en conclusion que la nécessaire relance des investissements de toutes natures nécessités par le redressement en profondeur de la situation française ne sera pas possible sans des mesures identiques décidées et appliquées au niveau européen. Leur financement, comme indiqué dans la première partie de cette note, devrait pour l'essentiel reposer sur des avances à long terme de la BCE.
Mais il paraît impossible, en dehors d'une structure fédérale forte, et sans le consensus des populations, de décider ce que devraient les politiques d'investissement correspondantes. Ceci aussi bien concernant leur nature que leur localisation au sein de l'espace européen global. Il en sera de même des contreparties sous forme d'économies et de décroissances qui s'imposeront simultanément, et qui d'ailleurs supposent des investissements d'un type différent. La tâche paraît immense. Mais il faudra bien s'y atteler ou périr. Laisser les marchés arbitrer serait la pire des solutions.
Le choix américain
Rappelons enfin la solution utilisée jusqu'à présent par les Etats-Unis pour faire face à leurs propres difficultés. Elle n'est pas immédiatement transposable à l'Europe mais mérite d'être méditée.
La presse économique américaine a récemment confirmée que c'est la somme considérable de 29 trillions (29 x mille milliards) de dollars qui a été prêtée, ou donnée, sous diverses formes et de façon généralement occulte, depuis 2008, par la Banque fédérale américaine aux divers agents économiques américains privés et publics.
Les gouvernements européens, après cela, seront risibles quand ils s'interrogeront sur l'opportunité de demander à la BCE de racheter quelques dizaines de milliards de dettes d'Etat.
Source: Ecomonitor
http://www.economonitor.com/lrwray/2011/12/09/bernanke's-obfuscation-continues-the-fed's-29-trillion-bail-out-of-wall-street/
Note
Sur le PIB, voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Produit_int%C3%A9rieur_brut
Sur le PIB France, voir http://www.google.fr/publicdata/explore?ds=d5bncppjof8f9_&met_y=ny_gdp_mktp_cd&idim=country:FRA&dl=fr&hl=fr&q=pib
Le concept de PIB ne prend en compte que les valeurs des biens et services recensées par les comptabilités nationales, très fortement inspirées de celles pris en compte par les comptabilités commerciales. Les économistes de gauche font valoir que ce mode de calcul ne tient pas compte de la valeur des « biens communs » eau, air, territoires, climat, qui sont livrés ainsi gratuitement à l'exploitation des intérêts privés.
European Network of Geopolitical Thinking
Eduardo Martínez
The European Network of Geopolitical Thinking, established in April 2011 on the Isle of Thought, Galicia (Spain), aims to contribute to the positioning Europe in the new global geopolitical context.
La reunión constitutiva de la Red Europea de Reflexión Geopolítica tuvo lugar del 26 al 29 de abril de 2011 en San Simón, Isla del Pensamiento, Galicia, España.
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20/05/2014
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Red Europea de Reflexión Geopolítica.Réseau Européen de Réflexion Géopolitique.European network of geopolitical thinking
Tendencias 21 (Madrid). ISSN 2174-6850
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