Réseau européen de réflexion géopolitique/European network of geopolitical thinking
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Jean-Paul Baquiast
Miércoles, 18 de Abril 2012
Ce 6e sommet (Summit of the Americas) qui a réuni les Etats-Unis et 30 chefs d'Etat d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud à Carthagène en Colombie les 14 et 15 avril, s'est traduit par un véritable isolement de l'Amérique.
Celle-ci est traditionnellement considérée comme dominant son « arrière-cour » des Etats latino-américain, grâce aux opportunités commerciales et aux investissements qu'elle offrait. Or elle s'est vu refuser la signature de l'habituel communiqué final. Le prétexte officiel en a été le refus toujours opposé par Obama à la reconnaissance de Cuba comme membre à part entière.
Mais les observateurs pensent que l'isolement de l'Amérique ainsi manifesté en plein jour tient aussi au développement économique et à l'indépendance politique croissante de la plupart des Etats américains. S'impose aussi sans doute une influence grandissante de la Chine, qui cherche à ce que l' « arrière-cour » américaine devienne aussi la sienne. On a remarqué ainsi les investissements chinois importants dans les Caraïbes, au plus grand déplaisir des Etats-Unis.
Les membres du sommet ont voulu signifier à Obama que le temps de la Guerre Froide était passé et qu'ils avaient définitivement repris leur indépendance. Ils ont cependant loué le président américain de la patience avec laquelle il a écouté les remontrances à son égard, notamment en ce qui concerne la tolérance américaine aux trafics d'armes, de drogues et de prostitution dont les Etats-Unis constituent un des principal débouché.
L'Union européenne n'est pas officiellement invitée à participer à de tels sommets, malgré les liens entretenus par certains Etats européens avec leurs homologues en Amérique Latine. Cependant, le durcissement des relations commerciales entre l'Argentine et l'Espagne, de même qu'entre l'Argentine et le Royaume-Uni à propos des Malouines, a été évoqué off records. L'Europe n'y a pas été présentée sous son meilleur visage. On regrettera en fait que l'Union Européenne ne s'efforce pas d'exercer une action diplomatique suffisante dans de telles instances, au service d'un renforcement des liens avec l'Amérique latine. Elle s'imposerait d'autant plus que recule l'influence américaine.
* Voir Reuters http://www.reuters.com/article/2012/04/17/us-americas-summit-obama-idUSBRE83F0UD20120417
* Le sommet des Amériques (http://www.summit-americas.org/default_en.htm) est une des manifestations de l'OAS, Organization Of American States (http://www.oas.org/en/default.asp )
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Jean-Paul Baquiast
Martes, 17 de Abril 2012
Il faut regretter l'indifférence sinon la dérision qu'ont provoqué les propos du candidat Jacques Cheminade concernant les enjeux du spatial pour la France et l'Europe. Jacques Cheminade, qui connait bien le domaine, a seulement rappelé que d'ambitieux projets d'exploration de l'espace constitueraient, pour l'immédiat comme pour le long terme, les meilleurs moteurs qui soient au service des progrès scientifiques et technologiques dont nous avons besoin pour résister à la concurrence des autres puissances. Au contraire de la Chine, de la Russie, du Brésil, de l'Amérique, la France est sans doute le seul pays où ces propositions rencontrent une telle incompréhension, tant des médias que des milieux politiques.
Nous espérons que nos lecteurs ne sont pas aussi ignorants que le reste de nos compatriotes, depuis le temps que nous discutons avec eux discuté de ces enjeux. Revenons cependant un instant sur la question, en nous plaçant dans la perspective géopolitique qui s'impose désormais à l'Europe. Il faut en effet constater que les programmes européens, principalement conduits au niveau de l'Agence spatiale européenne (Esa), marquent désormais le pas faute de crédits. Pendant ce temps, les Etats-Unis ont clairement annoncé que la Nasa renonçait à collaborer avec l'Esa dans l'important programme d'exploration de la planète Mars, ExoMars, et dans d'autres plus mineurs, sur lesquels comptaient beaucoup les Européens. Enfin, comme l'annonce régulièrement la presse consacrée à l'espace, la Chine, l'Inde, la Russie et le Brésil, poursuivent ou relancent d'importants programmes, dans les différents segments intéressant l'exploration ou l'exploitation de l'espace. Si l'Europe se désintéressait de l'espace, elle compromettrait non seulement sa place dans le monde de demain, mais plus généralement son indépendance et sa souveraineté.
Des technologies de souveraineté
Appelons technologies de souveraineté celles qui, outre leur intérêt intrinsèque, permettent à un pouvoir géopolitique d'affirmer sa volonté d'indépendance et de puissance dans un monde devenu multipolaire. Pour cela, elles doivent être développées par ce pouvoir avec ses propres ressources, afin d'échapper à la dépendance que cherchent à continuer d'imposer les pouvoirs concurrents lorsque, pour des raisons historiques, ils dominaient jusque là les secteurs concernés.
Un bon exemple d'une telle technologie de souveraineté est l'avion de combat français Rafale. Réalisé dans la tradition gaullienne par la France seule, il lui permet aujourd'hui d'échapper à la domination que tentaient d'imposer les Etats-Unis en obligeant de fait la plupart des armées du monde à s'équiper, pendant au moins la première moitié du 21e siècle, du Joint Strike Fighter F 35. On a souvent reproché à la France de réaliser un avion dont aucun autre pays ne voulait. Aujourd'hui, alors que le programme F 35 semble en train d'échouer, il apparaît que le Rafale offre à tous ceux qui s'associeraient à son développement et à sa production des atouts d'indépendance et de souveraineté irremplaçables. La France n'a ni l'ambition ni les moyens d'en faire un objet de domination. Elle ne vise qu'à la coopération. Les sceptiques se demandent à quoi bon se mobiliser pour un système d'armes. Sommes-nous en guerre? Ils ont tort. Si une coopération internationale entre l'Europe et certains des pays du BRICS, notamment le Brésil et l'Inde, pouvaient s'organiser autour du concept Rafale, il s'agirait d'un succès décisif pour l'ensemble des partenaires.
Or le domaine spatial, né de l'aéronautique, doit être considéré, à une toute autre échelle, comme celui par excellence des technologies de souveraineté. Il permet d'assurer aux puissances géopolitiques qui s'y investissent une présence en toute indépendance dans des dimensions du monde déjà vitales pour leur survie et qui le deviendront de plus en plus. Il s'agit généralement de technologies dites duales, c'est-à-dire à usages autant civils que militaires. Beaucoup sont de nature commerciale mais beaucoup sont également de nature régalienne, autrement dit intéressant les puissances publiques, indépendamment des retombées commerciales envisageables.
Enumérons les principales d'entre elles:
- les centres spatiaux, de préférence situés sur la ceinture équatoriale.
- les lanceurs, de puissances variées, indispensables pour atteindre les différentes orbites requises selon les applications.
- les satellites de télécommunications aux innombrables applications.
- les satellites d'observation de la terre, des océans et de l'espace proche, indispensables à la protection raisonnée de notre environnement terrestre.
- les sondes interplanétaires, à usage principalement scientifique.
- les stations dite sol, pour la réception, le traitement et l'exploitation des données.
On ajoutera ici tout ce qui concerne l'exploration des autres planètes, qu'elle fasse appel à des robots ou à des humains: capsules, orbiteurs, atterrisseurs, robots d'exploration, lesquels seront de plus en plus autonomes. La Station spatiale internationale actuelle ou des équipements futurs de même nature, qu'il n'est plus question d'abandonner, ainsi que les moyens d'y accéder, se situent à l'interface de certaines des applications précédentes.
Perspectives de coopération
Les Etats-Unis ont depuis les origines décidé qu'ils devaient pleinement dominer l'espace, en s'assurant une avance de plusieurs années sur les autres Etats. C'est le concept de full spatial dominance. Malgré leurs difficultés économiques actuelles, ils ne renoncent pas à cette ambition.Les Etats européens ont, non sans discussions ni réticences, convenu qu'ils devaient, en propre ou à travers l'Agence Spatiale européenne, assurer une présence dans certains créneaux. Le domaine le plus réussi à ce jour est celui des lanceurs et des satellites civils et militaires. La Chine, suivie par l'Inde, semble résolue à se doter de moyens propres, sur le modèle américain, y compris dans le domaine le plus risqué, celui des missions interplanétaires. La Russie, longtemps très en avance, elle aussi, est en train de reconstituer un potentiel mis à mal par la recherche d'économies et une privatisation mal fondées. Sa coopération avec l'Europe est déjà exemplaire.
Serait-il envisageable que, compte tenu des coûts et des difficultés, les Terriens puissent s'entendre sur un pied de relative égalité pour coopérer au service des programmes spatiaux de ce siècle? Ce serait sans doute souhaitable, mais pour le moment, les grandes puissances sont plutôt en concurrence. Les coopérations, quand elles s'organisent, se font sur la base de l'inégalité. Ceci parce que, comme indiqué ci-dessus, les technologies spatiales sont des technologies de puissance et qu'aucun des grands Etats ne veut partager leur développement ou leur mise en oeuvre.
On pourrait par contre espérer voir s'établir des coopérations intéressant des aires géographiques ou géostratégiques bien définies. Cette perspective intéresse directement l'Europe. Au delà de la coopération entre Etats européens eux-mêmes, désormais bien acquise (malgré certaines rivalités qui relèvent du bon voisinage), une alliance stratégique entre l'Esa et la Russie est désormais une réalité. Notre article dans ce même numéro illustre ses derniers développements (voir http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2012/126/espacerusse.htm). On notera à ce propos que, au moment où l'Europe, pour des raisons sans doute politiciennes, était « lâchée » sinon « trahie » par l'Amérique, la Russie s'est montrée décidée à prendre le relais. La Russie et l'Europe gagneront certainement à conjuguer leurs efforts dans le domaine martien, comme c'est déjà le cas dans celui des lanceurs et des stations sols.
Mais au delà? Il n'échappera à personne que la Russie est un membre influent du BRICS cité plus haut. Une coopération euroBRICS pourrait-elle être envisagée dans l'avenir? La Chine en ce qui la concerne a mené jusqu'ici un parcours sans fautes, élargissant progressivement ses ambitions. Un Livre Blanc publié fin 2011 pour les 5 prochaines années envisage une station spatiale en orbite basse et peut-être un débarquement humain ponctuel sur la Lune. Il reste que les technologies utilisées, autant que l'on puisse en juger, sont encore assez rustiques. Des faiblesses risquent d'apparaître. L'Inde s'efforce de suivre la trajectoire chinoise, mais ses ressources paraissent bien moindres que celles de la Chine. Le Brésil pour sa part ne peut actuellement envisager qu'un rôle d'appoint. On peut penser que, orgueil national mis à part, la seule solution technologique raisonnable pour ces trois pays serait de coopérer entre eux et avec l'Europe – tout en gardant évidemment un pouvoir de décision.
L'argument budgétaire semble le plus convaincant. Il est difficile d'estimer le coût d'une mission, telle que par exemple l'envoi d'un équipage sur la Lune. Nous dirions pour notre part que l'équivalent de l'ancien programme Apollo américain dépasserait aujourd'hui 300 milliards de dollars. C'est à la portée d'un grand pays. Les guerres au Moyen Orient ont coûté en 10 ans à l'Amérique environ 3 trillions de dollars. Un Etat tel que la Chine, qui préférerait semble-t-il une expédition spatiale à une guerre, pourrait la financer, non sans sacrifices. Par contre, pour des raisons politiques et économiques, ni l'Europe ni la Russie, ni sans doute l'Inde ou le Brésil, n'accepteraient de se lancer seuls dans de telles opérations. La coopération budgétaire et humaine s'imposerait donc pour minimiser les coûts.
Ceci étant, le spatial a toujours été et reste dominé par les Etats-Unis. Pourquoi ne pas faire appel à des coopérations avec la Nasa? Nous répondrons que, pour le moment, et sans exclure des changements à l'avenir, coopérer avec les Etats-Unis serait se mettre, en grand et en détail, au service de leurs propres impératifs géostratégiques et économiques. Ils imposeraient à leurs « partenaires », comme ils l'ont toujours fait, des abandons de souveraineté insupportables. Une autre raison doit être évoquée. Aujourd'hui, l'appauvrissement de leurs finances publiques semble devoir leur interdire les projets ambitieux qu'avait planifiés la Nasa. Tout au plus parle-t-on de faire appel à des opérateurs privés pour des vols en orbite terrestre – vols dont les coûts seront d'ailleurs très élevés, seulement à la portée de quelques riches privilégiés, s'il s'en trouvent. .
On voit que pour l'Europe et les Etats composant le BRICS, la mutualisation des efforts paraît la seule façon d'avancer vite et bien. Elle permettrait de définir des champs de coopérations industrielles et scientifiques associant l'ensemble des partenaires. Elle permettrait d'aller plus loin, en accélérant la réalisation d'investissements en réseau dans chacun des Etats ou Fédérations concernés. Les retombées scientifiques, industrielles, organisationnelles, seraient encore plus importantes.
Certains ne manquent pas de demander si, pour des pays, y compris européens, où une grande partie de la population peine à survivre, il est raisonnable d'envisager de telles dépenses. N'en profitent qu'une infime minorité. On peut répondre que les sommes impliquées sont marginales. Y renoncer n'augmenterait que de quelques euros les revenus individuels, mais supprimerait en contre partie beaucoup d'opportunités de croissance et d'emploi. De plus les sociétés humaines n'ont-elles pas toujours vécu, pour le meilleur et pour le pire, les yeux fixés au delà de l'horizon immédiat? On ne peut que souhaiter de tels rêves aux citoyens de l'EuroBRICS.
On pourrait presque parler de rêves civilisationnels, si nous osons le mot. En effet, en cas de succès, compte tenu de la force imaginaire du spatial, on imagine ce que représenterait aux yeux du monde la mise en place dans les prochaines années d'une station lunaire voire à terme martienne, portant les couleurs de l'EuroBRICS.
Documents
* Amarrage de l'ATV européen Eduardo Arnaldi à l'ISS le 29 mars 2012 http://www.esa.int/esaCP/SEMUASGY50H_index_0.html
* Mission ExoMars http://www.esa.int/SPECIALS/ExoMars/SEM10VLPQ5F_0.html
* Colonisation de la Lune (Wikipedia) http://fr.wikipedia.org/wiki/Colonisation_de_la_Lune
Des technologies de souveraineté
Appelons technologies de souveraineté celles qui, outre leur intérêt intrinsèque, permettent à un pouvoir géopolitique d'affirmer sa volonté d'indépendance et de puissance dans un monde devenu multipolaire. Pour cela, elles doivent être développées par ce pouvoir avec ses propres ressources, afin d'échapper à la dépendance que cherchent à continuer d'imposer les pouvoirs concurrents lorsque, pour des raisons historiques, ils dominaient jusque là les secteurs concernés.
Un bon exemple d'une telle technologie de souveraineté est l'avion de combat français Rafale. Réalisé dans la tradition gaullienne par la France seule, il lui permet aujourd'hui d'échapper à la domination que tentaient d'imposer les Etats-Unis en obligeant de fait la plupart des armées du monde à s'équiper, pendant au moins la première moitié du 21e siècle, du Joint Strike Fighter F 35. On a souvent reproché à la France de réaliser un avion dont aucun autre pays ne voulait. Aujourd'hui, alors que le programme F 35 semble en train d'échouer, il apparaît que le Rafale offre à tous ceux qui s'associeraient à son développement et à sa production des atouts d'indépendance et de souveraineté irremplaçables. La France n'a ni l'ambition ni les moyens d'en faire un objet de domination. Elle ne vise qu'à la coopération. Les sceptiques se demandent à quoi bon se mobiliser pour un système d'armes. Sommes-nous en guerre? Ils ont tort. Si une coopération internationale entre l'Europe et certains des pays du BRICS, notamment le Brésil et l'Inde, pouvaient s'organiser autour du concept Rafale, il s'agirait d'un succès décisif pour l'ensemble des partenaires.
Or le domaine spatial, né de l'aéronautique, doit être considéré, à une toute autre échelle, comme celui par excellence des technologies de souveraineté. Il permet d'assurer aux puissances géopolitiques qui s'y investissent une présence en toute indépendance dans des dimensions du monde déjà vitales pour leur survie et qui le deviendront de plus en plus. Il s'agit généralement de technologies dites duales, c'est-à-dire à usages autant civils que militaires. Beaucoup sont de nature commerciale mais beaucoup sont également de nature régalienne, autrement dit intéressant les puissances publiques, indépendamment des retombées commerciales envisageables.
Enumérons les principales d'entre elles:
- les centres spatiaux, de préférence situés sur la ceinture équatoriale.
- les lanceurs, de puissances variées, indispensables pour atteindre les différentes orbites requises selon les applications.
- les satellites de télécommunications aux innombrables applications.
- les satellites d'observation de la terre, des océans et de l'espace proche, indispensables à la protection raisonnée de notre environnement terrestre.
- les sondes interplanétaires, à usage principalement scientifique.
- les stations dite sol, pour la réception, le traitement et l'exploitation des données.
On ajoutera ici tout ce qui concerne l'exploration des autres planètes, qu'elle fasse appel à des robots ou à des humains: capsules, orbiteurs, atterrisseurs, robots d'exploration, lesquels seront de plus en plus autonomes. La Station spatiale internationale actuelle ou des équipements futurs de même nature, qu'il n'est plus question d'abandonner, ainsi que les moyens d'y accéder, se situent à l'interface de certaines des applications précédentes.
Perspectives de coopération
Les Etats-Unis ont depuis les origines décidé qu'ils devaient pleinement dominer l'espace, en s'assurant une avance de plusieurs années sur les autres Etats. C'est le concept de full spatial dominance. Malgré leurs difficultés économiques actuelles, ils ne renoncent pas à cette ambition.Les Etats européens ont, non sans discussions ni réticences, convenu qu'ils devaient, en propre ou à travers l'Agence Spatiale européenne, assurer une présence dans certains créneaux. Le domaine le plus réussi à ce jour est celui des lanceurs et des satellites civils et militaires. La Chine, suivie par l'Inde, semble résolue à se doter de moyens propres, sur le modèle américain, y compris dans le domaine le plus risqué, celui des missions interplanétaires. La Russie, longtemps très en avance, elle aussi, est en train de reconstituer un potentiel mis à mal par la recherche d'économies et une privatisation mal fondées. Sa coopération avec l'Europe est déjà exemplaire.
Serait-il envisageable que, compte tenu des coûts et des difficultés, les Terriens puissent s'entendre sur un pied de relative égalité pour coopérer au service des programmes spatiaux de ce siècle? Ce serait sans doute souhaitable, mais pour le moment, les grandes puissances sont plutôt en concurrence. Les coopérations, quand elles s'organisent, se font sur la base de l'inégalité. Ceci parce que, comme indiqué ci-dessus, les technologies spatiales sont des technologies de puissance et qu'aucun des grands Etats ne veut partager leur développement ou leur mise en oeuvre.
On pourrait par contre espérer voir s'établir des coopérations intéressant des aires géographiques ou géostratégiques bien définies. Cette perspective intéresse directement l'Europe. Au delà de la coopération entre Etats européens eux-mêmes, désormais bien acquise (malgré certaines rivalités qui relèvent du bon voisinage), une alliance stratégique entre l'Esa et la Russie est désormais une réalité. Notre article dans ce même numéro illustre ses derniers développements (voir http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2012/126/espacerusse.htm). On notera à ce propos que, au moment où l'Europe, pour des raisons sans doute politiciennes, était « lâchée » sinon « trahie » par l'Amérique, la Russie s'est montrée décidée à prendre le relais. La Russie et l'Europe gagneront certainement à conjuguer leurs efforts dans le domaine martien, comme c'est déjà le cas dans celui des lanceurs et des stations sols.
Mais au delà? Il n'échappera à personne que la Russie est un membre influent du BRICS cité plus haut. Une coopération euroBRICS pourrait-elle être envisagée dans l'avenir? La Chine en ce qui la concerne a mené jusqu'ici un parcours sans fautes, élargissant progressivement ses ambitions. Un Livre Blanc publié fin 2011 pour les 5 prochaines années envisage une station spatiale en orbite basse et peut-être un débarquement humain ponctuel sur la Lune. Il reste que les technologies utilisées, autant que l'on puisse en juger, sont encore assez rustiques. Des faiblesses risquent d'apparaître. L'Inde s'efforce de suivre la trajectoire chinoise, mais ses ressources paraissent bien moindres que celles de la Chine. Le Brésil pour sa part ne peut actuellement envisager qu'un rôle d'appoint. On peut penser que, orgueil national mis à part, la seule solution technologique raisonnable pour ces trois pays serait de coopérer entre eux et avec l'Europe – tout en gardant évidemment un pouvoir de décision.
L'argument budgétaire semble le plus convaincant. Il est difficile d'estimer le coût d'une mission, telle que par exemple l'envoi d'un équipage sur la Lune. Nous dirions pour notre part que l'équivalent de l'ancien programme Apollo américain dépasserait aujourd'hui 300 milliards de dollars. C'est à la portée d'un grand pays. Les guerres au Moyen Orient ont coûté en 10 ans à l'Amérique environ 3 trillions de dollars. Un Etat tel que la Chine, qui préférerait semble-t-il une expédition spatiale à une guerre, pourrait la financer, non sans sacrifices. Par contre, pour des raisons politiques et économiques, ni l'Europe ni la Russie, ni sans doute l'Inde ou le Brésil, n'accepteraient de se lancer seuls dans de telles opérations. La coopération budgétaire et humaine s'imposerait donc pour minimiser les coûts.
Ceci étant, le spatial a toujours été et reste dominé par les Etats-Unis. Pourquoi ne pas faire appel à des coopérations avec la Nasa? Nous répondrons que, pour le moment, et sans exclure des changements à l'avenir, coopérer avec les Etats-Unis serait se mettre, en grand et en détail, au service de leurs propres impératifs géostratégiques et économiques. Ils imposeraient à leurs « partenaires », comme ils l'ont toujours fait, des abandons de souveraineté insupportables. Une autre raison doit être évoquée. Aujourd'hui, l'appauvrissement de leurs finances publiques semble devoir leur interdire les projets ambitieux qu'avait planifiés la Nasa. Tout au plus parle-t-on de faire appel à des opérateurs privés pour des vols en orbite terrestre – vols dont les coûts seront d'ailleurs très élevés, seulement à la portée de quelques riches privilégiés, s'il s'en trouvent. .
On voit que pour l'Europe et les Etats composant le BRICS, la mutualisation des efforts paraît la seule façon d'avancer vite et bien. Elle permettrait de définir des champs de coopérations industrielles et scientifiques associant l'ensemble des partenaires. Elle permettrait d'aller plus loin, en accélérant la réalisation d'investissements en réseau dans chacun des Etats ou Fédérations concernés. Les retombées scientifiques, industrielles, organisationnelles, seraient encore plus importantes.
Certains ne manquent pas de demander si, pour des pays, y compris européens, où une grande partie de la population peine à survivre, il est raisonnable d'envisager de telles dépenses. N'en profitent qu'une infime minorité. On peut répondre que les sommes impliquées sont marginales. Y renoncer n'augmenterait que de quelques euros les revenus individuels, mais supprimerait en contre partie beaucoup d'opportunités de croissance et d'emploi. De plus les sociétés humaines n'ont-elles pas toujours vécu, pour le meilleur et pour le pire, les yeux fixés au delà de l'horizon immédiat? On ne peut que souhaiter de tels rêves aux citoyens de l'EuroBRICS.
On pourrait presque parler de rêves civilisationnels, si nous osons le mot. En effet, en cas de succès, compte tenu de la force imaginaire du spatial, on imagine ce que représenterait aux yeux du monde la mise en place dans les prochaines années d'une station lunaire voire à terme martienne, portant les couleurs de l'EuroBRICS.
Documents
* Amarrage de l'ATV européen Eduardo Arnaldi à l'ISS le 29 mars 2012 http://www.esa.int/esaCP/SEMUASGY50H_index_0.html
* Mission ExoMars http://www.esa.int/SPECIALS/ExoMars/SEM10VLPQ5F_0.html
* Colonisation de la Lune (Wikipedia) http://fr.wikipedia.org/wiki/Colonisation_de_la_Lune
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Jean-Paul Baquiast
Martes, 17 de Abril 2012
On considère généralement, en Europe, que la Chine est l'un des super-Etats auxquels nous sommes confrontés et dont nous devrions nous inspirer. Certes, elle n'est pas organisée à l'européenne, avec des élections démocratiques, une séparation des pouvoirs et beaucoup de libertés d'expression. Mais elle dispose, pense-t-on, d'un gouvernement central fort, capable de définir des objectifs stratégiques à long terme et d'organiser la convergence des différentes politiques économiques. Tout ceci manque évidemment à l'Europe. Les évènements de ces dernières semaines peuvent conduire à nuancer ce tableau.
On savait déjà que la « croissance » effrénée de la Chine accumulait des risques pour l'avenir: pollution, destruction de l'environnement, inégalités sociales, corruption au niveau des provinces. Aujourd'hui, c'est à la tête de l'Etat que des failles apparaissent. Beaucoup d'hommes politiques, en Chine comme à l'étranger, le soupçonnaient, mais les opinions publiques n'en avaient pas connaissance. Dorénavant, le silence n'est plus de mise. C'est avec la démission forcée imposée par le Politburo à l'un de ses membres emblématiques, Bo Xilai, que tout a commencé. Celui-ci, qui était maire de la ville en pleine expansion de Chongqing, personnage jeune, brillant, favori des médias occidentaux, s'est vu reprocher par ses pairs du Bureau politique des pratiques de corruption. Il en a été chassé en mars.
Dans le même temps, sa femme Gu Kailai était suspectée d'avoir trempé, pour des raisons d'intérêts, dans le meurtre de l'homme d'affaires britanniques Neil Heywood. Une investigation est en cours. Un épisode digne d'un roman d'espionnage s'était produit dans l'intervalle. Le bras droit de Bo, un certain Wang Lijun s'est, apparemment pris de panique, réfugié au consulat américain en y apportant un certain nombre de documents. Depuis il est retourné en Chine et l'on semble sans nouvelles de lui.
Les enquêtes en corruption menées à l'instigation des dirigeants du Parti dans l'entourage de Bo Xilai et de sa femme ont apparemment soulevé beaucoup de questions gênantes, dont l'opinion n'a pas été vraiment informé, mais qui on fait parlé. Comme on pouvait s'y attendre, ce n'est pas seulement la ville de Chongquing qui est en cause, mais beaucoup d'autres municipalités et provinces. Le monde de l'internet s'en est ému, malgré la sévérité de la censure auquel il est soumis. Les autorités ont fermé des douzaines de sites web, détruit des milliers (ou centaines de milliers) de microblogs et même arrêté certains auteurs pour propagation de fausses nouvelles. Ceci n'a pas empêché que se répande l'impression d'un ébranlement touchant les fondements même du régime.
Il fallait réagir au plus haut niveau. C'est ce qu'a fait le 16 avril le Premier ministre Wen Jiabao dans un article publié par le journal du Parti, Qiushi. Il a promis de consacrer sa dernière année de pouvoir à combattre la corruption rampante, sous toutes ses formes. Il s'est engagé aussi à diminuer les pouvoirs de plus en plus incontrôlés que s'étaient appropriés des dirigeants importants. Si cette situation ne change pas, avait-il prévenu lors d'une réunion de cabinet seulement révélée le 16, la nature du pouvoir politique pourrait changer et ceux qui le détiennent pourraient périr.
Selon Wen Jiabao: « Le nombre des leaders et des responsables officiels impliqués dans la corruption est très grand, les sommes en cause importantes et l'influence néfaste de ces nids de corruption sur la société est désastreux. Une des raisons qui font que ces problèmes ne sont pas traités au fond tient à l'hyper-concentration des pouvoirs et à un manque de contrôle efficace ».
Le mal parait très profond en effet. Mais on ne sait pas comment cette énergique proclamation sera reçue par l'opinion. Vraisemblablement avec scepticisme, dans la mesure où les membres du Parti sont les premiers appelés à se réformer, autrement dit à abandonner les prérogatives qu'ils s'étaient données au fil des ans. On doutera de leur zèle. Il y a plus grave. L'opinion n'a pas oublié la Révolution culturelle des années 70, les déportations et les morts qui l'avaient accompagnée sous prétexte de purification. On voit certes mal, avec le développement d'une démocratisation de facto en Chine, une telle terreur reparaître. Néanmoins, des chasses aux sorcières de diverses provenances pourraient se généraliser, au détriment d'une croissance économique et sociale qui devrait au contraire se faire d'une façon harmonieuse.
Autrement dit, le colosse risque, plus qu'auparavant, de montrer ses pieds d'argiles. Ses principaux rivaux, l'Inde en premier lieu, ne manqueront pas d'en prendre note. Ce sera aussi une raison pour que les Européens renoncent à se comporter en petits garçons face à la Chine et n'hésitent plus, notamment, à revendiquer des rapports de réciprocité, à l'OMC et autres instances.
European Network of Geopolitical Thinking
Eduardo Martínez
The European Network of Geopolitical Thinking, established in April 2011 on the Isle of Thought, Galicia (Spain), aims to contribute to the positioning Europe in the new global geopolitical context.
La reunión constitutiva de la Red Europea de Reflexión Geopolítica tuvo lugar del 26 al 29 de abril de 2011 en San Simón, Isla del Pensamiento, Galicia, España.
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Tendencias 21 (Madrid). ISSN 2174-6850
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