Red Europea de Reflexión Geopolítica

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Réseau européen de réflexion géopolitique/European network of geopolitical thinking





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Jean-Paul Baquiast
Domingo, 7 de Agosto 2011


Nous proposons d'utiliser le concept de l'anthropotechnique pour tenter de mieux comprendre l'ensemble des phénomènes généralement associés à ce que l'on nomme la mondialisation.. Il devrait être de même de la démondialisation, présentée depuis quelques mois comme un remède aux effets négatifs de la première.



Indiquons à ceux n'ayant pas lu notre livre « Le paradoxe du Sapiens » (*) que nous y proposons un outil d'analyse du monde politico-économique visant à faire le plus possible appel à la méthode scientifique. Nous y postulons que l'évolution des civilisations humaines, depuis les origines, a résulté des compétitions darwiniennes pour l'accès aux ressources confrontant des superorganismes que nous qualifions d'anthropotechniques ou mieux, de bio-anthropotechniques. Ce terme générique désigne des entités composées d'une imbrication étroite entre des facteurs biologiques (par exemple les génomes), des facteurs anthropologiques (les acquis culturels) et des facteurs technologiques.

Ces entités sont de nature très différente. Leur influence sur l'évolution globale n'est pas identique. Elles peuvent donc être analysées en termes différents, selon les échantillons de temps, de lieux et de domaines retenus. Cependant nous estimons que l'approche anthropotechnique devrait être féconde pour mieux comprendre le monde actuel dans sa totalité, c'est-à-dire pour en donner une vision globale. Cela ne signifierait pas qu'elle permettrait d'analyser le monde en détail, de prédire son évolution et moins encore de proposer des remèdes à certains risques pouvant naitre de la confrontation en son sein entre systèmes anthropotechniques. Plus généralement, rappelons que le concept de système anthropotechnique est pour nous un postulat. Dans le cadre d'une démarche se voulant scientifique, il doit être mis à l'épreuve des observations expérimentales afin de préciser les enseignements qui pourraient être tirés de son utilisation.

L'une de ces mises à l'épreuve consisterait aujourd'hui à utiliser le concept de l'anthropotechnique pour tenter de mieux comprendre l'ensemble des phénomènes généralement associés à ce que l'on nomme la mondialisation.. Il devrait être de même de la démondialisation, présentée depuis quelques mois comme un remède aux effets négatifs de la première.

Frédéric Lordon

Un article de l'économiste Frédéric Lordon dans le Monde Diplomatique d'août 2011, intitulé « La démondialisation et ses ennemis », s'attache à démontrer les illusions et les mensonges délibérés recelés par le concept de mondialisation. Ce n'est pas pour autant, selon lui, que les perspectives actuelles dites de démondialisation pourraient remédier aux abus du capitalisme libéral sans frontières imposés par ceux présentant la mondialisation comme une évolution nécessaire. Frédéric Lordon est un auteur que nous apprécions beaucoup, car il s'oppose avec bonheur au langage convenu imposé par les pouvoirs à ses homologues. Cependant, nous pensons que faute d'un outil d'analyse suffisant, il ne réussit pas à préciser ce que pourraient être des politiques s'opposant à la mondialisation, dite aussi de démondialisation, qui répondraient à la légitime volonté des peuples de s'affranchir de la domination imposée sous couvert de mondialisation à l'ensemble de la planète par des intérêts eux-mêmes mondialisés.

Dans l'article précité, Frédéric Lordon décrit avec pertinence les grands phénomènes résultant de la capitulation devant les impératifs supposés de la mondialisation: - concurrence « non faussée » entre économies à standards salariaux inégaux (Minima s'échelonnant de 100 dollars par mois au Sud à 1500 ou 2000 au Nord, pour ceux disposant d'un emploi) – exigence de rentabilité financière imposant la compression permanente des revenus salariaux – menace permanente de délocalisation - endettement institutionnalisé des consommateurs afin de leur permettre de continuer à consommer malgré la diminution des revenus salariaux – prise en charge des coûts de ces politiques par les budgets publics c'est-à-dire finalement par les citoyens – désarmement des Etats face aux intérêts financiers par des politiques dite de rigueur portant sur les administrations, les services publics et les investissements collectifs de long terme.

Nous avons nous-mêmes ici décrit plusieurs fois ces phénomènes, à l'instar de tous ceux qui comme nous dénoncent le néo-libéralisme financier et la prise en mains du monde par des oligarchies en connivence mondiale. Mais il ne suffit pas de dire « Plus jamais cela » comme le fait Frédéric Lordon à la fin de son article, pour voir émerger miraculeusement les solutions permettant d'échapper aux véritables dictatures ainsi dénoncées. Il faut analyser plus en profondeur ces différentes dictatures, à la lumière de l'outil anthropotechnique proposé ici.

Les systèmes anthropotechniques s'insèrent dans l'antagonisme mondialisation/démondialisation à trois niveaux différents

Nous avons dit que les systèmes anthropotechniques, notamment les entreprises, les administrations, les Etats, sont le produit de la symbiose de trois niveaux de déterminismes différents. Les facteurs actifs au sein de ces niveaux vivent la mondialisation-démondialisation de façon différente.

Au plan des composantes scientifico-techniques de ces systèmes s'impose globalement une exigence d'interconnexion et d'intercommunication qui constitue un élément déterminant de ce que l'on peut appeler la globalisation technologique du monde et des cerveaux (global mind). Certes, des compétitions internes entre diverses composantes peuvent générer des conflits retardateurs de la technologisation globale, mais dans l'ensemble se met en place un tissu de relations et d'échanges qui constitue le facteur le plus puissant de la mondialisation. La science, autrement dit les moyens d'action sur le monde résultant du processus collectif d'acquisition sur le mode expérimental des connaissances et des savoirs-faire, est à la fois le produit et l'outil de l'explosion contemporaine des technologies.

Toutes différentes sont les composantes biologiques des systèmes anthropotechniques. Pour simplifier, nous dirons qu'elles expriment au sein de ces systèmes deux tendances fortes. L'une pousse à une croissance démographique que seule peut faire plafonner la diminution des ressources, l'autre, quasiment inverse, incite à l'appropriation des territoires et à la constitution de niches aussi exclusives que possible. L'hyper-natalité, encore très présente dans de nombreuses sociétés du tiers-monde, est le facteur déterminant d'une certaine forme de mondialisation, celle qui repose sur la recherche de nouveaux territoires d'expansion par des populations en manque d'espace et de nourriture. Il s'agit de processus biologiques tout à fait banaux, qui de ce fait n'obéissent pas à des considérations se voulant rationnelles. A l'inverse, la constitution d'empires territoriaux par des minorités dominantes, en guerre les unes avec les autres, ne serait pas au contraire favorable à la mondialisation. Il s'agirait au contraire de facteurs qui pourraient activer des tendances à la démondialisation et au nationalisme, au nom de la souveraineté de ces empires chacun dans son territoire propre.

Les composantes anthropologiques des systèmes anthropotechniques se rattachent nous l'avons dit à ce que l'on pourra globalement nommer la sphère culturelle. Elles trouvent leurs racines très en amont, non seulement dans l'histoire biologique des sociétés, évoquée ci-dessus, mais dans celles des stratifications entre dominants et dominés, possédants et exploités, éventuellement hommes et femmes, que l'on retrouve tout au long des évènements ayant marqué l'histoire géopolitique des deux derniers siècles. Ces stratifications ont des composantes animales (biologiques) encore très présentes dans les sociétés humaines. Mais elles sont aussi renforcées par la détention, très inégale selon les régions géographiques et les classes sociales, des ressources économiques, industrielles et universitaires.

La stratification des sociétés humaines, au plan interne comme au plan international, entre possédants et non-possédants, oligarchies et populations dominés, n'a pas une influence directe sur les tendances à la mondialisation. Les dominants seront, dans certains cas, favorables à la mondialisation quand celle-ci signifiera une disparition à leur profit des barrières traditionnelles, de type territoriale ou administratif, opposées par les sociétés défendant leur territoire. Dans d'autres cas, ils prôneront au contraire la démondialisation, c'est-à-dire le retour à des barrières, quand il s'agira de protéger leurs propres conquêtes. La démondialisation (assurée éventuellement par le recours aux moyens militaires) leur permettra notamment de résister à la pression géopolitique de sociétés aux effectifs plus nombreux et plus pauvres. Elle permettra également de refuser l'invasion de populations à la natalité envahissante chassées de chez elles par des facteurs plus généraux comme le réchauffement climatique.

Ici, en évoquant le réchauffement climatique, nous faisons allusion au fait que l'analyse anthropotechnique que nous proposons doit être nuancée soit localement soit dans la durée, par la prise en compte d'évolution beaucoup plus générales intéressant la planète toute entière. D'une part les écosystèmes subissent aujourd'hui l'influence globale des sociétés anthropotechniques. Ceci se traduit par une disparition rapide de milieux naturels et d'espèces. On a parlé d'anthropocène pour désigner les aspects millénaires de cette évolution. Nous avons pour notre part suggéré le terme d'anthropotechnocène permettant de tenir compte de l'explosion très récente, datant de moins de deux siècles, de sociétés aux technologies de plus en plus puissantes et spontanément proliférantes.

S'ajoutent à cela des évolutions de fond que la science peine encore à identifier, pouvant se traduire par une restriction ou des modifications profondes au niveau des ressources disponibles: modifications spontanées du climat, pandémies d'origine encore inconnue, éruptions, tremblements de terre, voire chutes d'astéroïdes. L'influence de ces éventualités sur la mondialisation ou la démondialisation, c'est-à-dire le repli des collectivités sur elles-mêmes, est difficile à anticiper. Mais il faut se tenir prêt à en tenir compte.

Contribution de l'analyse anthropotechnique à l'étude de la mondialisation/démondialisation

Nous avons dit que toute hypothèse à prétention scientifique doit être testée au regard de l'expérience. Dans le présent cas, cela signifierait vérifier que les grands courants par lesquels se manifeste la mondialisation/démondialisation sont mieux compris en faisant appel au postulat selon lequel l'évolution globale du monde résulterait des compétitions de type darwiniens entre entités anthropotechniques qu'en faisant appel à des concepts plus traditionnels.

Nous pensons que c'est le cas. Prenons un exemple simple, pour ne pas entrer dans des analyses de détail dépassant le cadre de cet article. Considérer comme beaucoup le font qu'une mondialisation prenant la forme de la destruction des spécificités nationales et locales résulte de l'effet déstructurant de la généralisation des technologies de la communication ne met l'accent que sur un aspect du phénomène. Avec les mêmes réseaux pourraient s'organiser des échanges équilibrés entre les différentes parties du monde. Pour que se généralise cette abomination que Frédéric Lordon appelle à juste titre « une concurrence « non faussée » entre économies à standards salariaux inégaux », il faut que des agents prédateurs profitent des réseaux et des technologies pour imposer leur domination au reste du monde. Or les entreprises industrielles et financières qui le font manifestent toutes les caractéristiques des minorités dominantes dont l'anthropologie et la biologie ont depuis longtemps étudié le fonctionnement dans les sociétés humaines traditionnelles et dans les sociétés animales. On comprendra mieux leur action en les considérant comme anthropotechniques, autrement dit bien plus complexes que de simples analyses économiques et politiques pourraient le montrer.

Dans notre essai « Le paradoxe du Sapiens », nous avons, pensons-nous avec succès, utilisé cette approche pour analyser l'action du Pentagone ou ministère de la défense américain, c'est-à-dire la matérialisation relativement facile à étudier d'un complexe politico-militaro-industriel qui conjugue les trois composantes biologique, anthropologique et technologique d'un grand système de pouvoir interagissant avec divers concurrents dans le cadre de l'évolution du monde global. Au regard de la mondialisation, on pourrait aisément montrer le rôle qu'a joué ce système anthropotechnique particulier pour imposer au reste du monde la suppression des barrières politiques s'opposant à son influence. C'est ainsi, exemple parmi cent autres semblables, qu'il a contraint pendant des décennies les gouvernements sous tutelle à faire l'acquisition de matériels de guerre américains, dépossédant les Etats correspondants de leurs compétences industrielles.

Aujourd'hui, certains observateurs pensent que le système anthropotechnique du Pentagone est sur la défensive, du fait de l'apparition de systèmes concurrents dans le vaste théâtre de la mondialisation. Nous pensons pour notre part qu'il n'en est rien (voir notre article « Nouveaux pouvoirs pour les maîtres de l'Empire. Apparition d'un national-technologisme américain »). Le système change seulement de forme. Tout en développant plus que jamais sa compétence technologique, dans le sens d'une véritable explosion des applications en réseaux intelligents pour le contrôle des citoyens et des adversaires, le système renforce ses racines bio-anthropologiques. Celles-ci poussent à la constitution d'espaces fermés protégés soumis à un gouvernement de type dictatorial.

Autrement dit le système tend à devenir ce que l'on pourrait qualifier de techno-dictature ou, en termes plus doux, d'un système technologique de contrôle global s'organisant autour de motivations nationales sinon nationaliste. Le complexe politico-technique en résultant, que nous proposons de nommer un national-technologisme, viendra de fait en contradiction avec tout idéal de mondialisation heureuse. Il jouera au contraire la carte de la démondialisation. Il serait rejoint en cela par des systèmes moins avancés dans cette voie mais décidés à ne pas se laisser distancer, tel que le national-technologisme chinois.

Ce sera sans doute la compétition entre de telles entités, dans un espace mondial de plus en plus segmenté, autrement dit démondialisé, qui écrira l'histoire géopolitique du 21e siècle.


* Jean-Paul Baquiast. Le paradoxe du Sapiens. Ed. JP. Bayol, mars 2010


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Jean-Paul Baquiast
Domingo, 31 de Julio 2011


Pouvons-nous nous résoudre à considérer que la Grèce est enfermée dans une impasse dont elle ne pourra pas sortir ? Des solutions jusqu'ici refusées pourraient-elles être mises en oeuvre ? La question n'intéresse pas seulement la Grèce, mais beaucoup d'autres pays européens - sans mentionner les pays les plus pauvres du tiers monde.




Pour y répondre, il serait peut-être utile de réfléchir en profondeur à l'évolution des systèmes complexes. Dans un court article ("350 milliards au soleil. Que faire de la Grèce ?"Le Monde, 26/07/2011, p. 16) la consultante économique Sophie de Menthon s'attache à dissiper les illusions qui pouvaient avoir été suscitées par le "sauvetage"décidé le 21 juillet à Bruxelles à l'initiative des chefs d'Etat européens. Dans le même sens, une nouvelle dégradation de la note de la Grèce, annoncée peu après par l'agence Moody's, a montré le peu d'importance attribuée par les marchés à la décision du Conseil européen.

Les arguments de Sophie de Menthon sont a priori indiscutables. Selon elle, les solutions de secours apportées par les Européens à la Grèce ne s'attaquent pas au fond du problème. Aider ce pays à rembourser ses dettes sera improductif, l'argent prêté ne servant pas à investir. Il en sera de même des engagements de rigueur demandés, visant notamment à diminuer certaines dépenses réputées improductives (traitements de fonctionnaires ou dépenses militaires). Le gouvernement ne le fera sans doute pas devant les résistances et à supposer qu'il s'y résolve, cela ne créerait aucune activité nouvelle, au contraire. Par ailleurs l'appel au tourisme est un leurre, les possibilités de ce secteur étant déjà saturées. Enfin l'incivisme et la fraude qui touchent toutes les classes sociales, y compris selon Sophie de Menthon l'église orthodoxe, persisteront. Qui par exemple pourrait imposer le rapatriement des avoirs détournés dans les paradis fiscaux dont le montant serait équivalant à la dette grecque ?

L'inconvénient d'un point de vue pessimiste comme celui de Sophie de Menthon est de n'offrir aucune perspective. Or l'histoire semble montrer qu'il n'existe pas d'impasse définitive, qu'il s'agisse d'un individu, d'une entreprise ou d'une nation. Des solutions finissent toujours par apparaître. Sans cela nous en serions encore à la société des cyanobactéries primordiales. Encore faut-il élargir suffisamment le regard pour ne pas s'enfermer dans un cas particulier. Que pouvons nous suggérer à cet égard :

Le cas grec n'est pas particulier en Europe. Sans mentionner celui de Chypre et de Malte, dont l'agence Moody's vient également d'abaisser la note, il faut rappeler que des régions européennes entières se trouvent dans la situation de la Grèce, c'est-à-dire incapables d'assurer à leur population de véritables emplois productifs. Cela tient aux mêmes causes : insuffisance de l'éducation, omniprésence du chômage, absence d'investissements dans les secteurs innovants, fuite des capitaux et des élites. Il serait à la rigueur concevable que ces régions poursuivent leur mode de vie traditionnel, fondé sur une économie informelle plus ou moins stagnante. Mais il faudrait pour cela que les populations concernées acceptent cette stagnation. Les modèles de consommation imposés aujourd'hui par le marketing des entreprises les en empêchent.

L'impuissance à résoudre les difficultés de ces régions délaissées par les activités productives est la même, qu'il s'agisse de la Grèce ou des autres Etats européens. Les choix politiques de type anglo-saxon imposés à l'Europe par les industries financières interdisent en effet les interventions publiques de réindustrialisation et de développement volontariste, la répression des activités frauduleuses et maffieuses, la protection contre des concurrents tels que la Chine qui refusent de telles interdictions en ce qui les concerne.

Il faudrait donc en bonne logique que les citoyens européens dans leur ensemble acceptent des changements politiques de grande ampleur. L'Europe, si elle se compare par exemple à la Corne de l'Afrique aujourd'hui menacée de famine, dispose d'un grand nombre de ressources potentielles. Mais des changements profonds s'imposeraient pour les valoriser. Nous avons plusieurs fois ici mentionné la marche progressive vers une structure fédérale qui permettrait plus facilement les transferts de revenus et d'activités des régions riches vers les régions pauvres. Nous avons aussi évoqué la nécessité de grands programmes visant à donner à l'Europe les ressources qui lui manquent, par exemple dans le domaine du développement vert, de la protection contre les futures crises environnementales ou de la recherche fondamentale sans obligation de retours immédiats. Dans tous ces domaines, les citoyens grecs seraient aussi capables de productivité que leurs homologues allemands ou néerlandais, à condition que les conditions politiques nécessaires aux transferts de compétences indispensables soient organisées sur le long terme.

Mais, en termes politiques, précisément, la vision nécessaire à un véritable changement de système manque encore. Elle manque d'ailleurs non seulement en Europe mais dans le reste du monde. L'enfermement dans la régression qui caractérise actuellement l'Amérique, les insatisfactions grandissantes manifestées sur l'internet par les citoyens chinois devant le manque de perspectives offertes par le système actuel de développement, pourraient en apporter la preuve.

Que faire alors ?

Nous n'avons pas pour notre part de solutions très originales à proposer... encore que...

A grands maux de grands remèdes. Or il n'y aurait pas plus grand mal que contempler sans réagir les sociétés contemporaines s'enfermer dans l'auto-destruction.

En essayant de comprendre les conditions de la création telle qu'elle s'est manifestée dans le cosmos (ou tout au moins plus modestement sur Terre), on peut constater que les groupes menacés avaient toujours sous leurs yeux les éléments matériels ou les savoir-faire potentiels nécessaires à leur survie. Mais ils ne les voyaient pas. Seuls quelques rares créateurs, capables de faire oeuvre d'invention, ont su les réarranger d'une façon radicalement différente, afin d'en faire les bases pour la construction de mondes absolument nouveaux.

Mais comment procède l'invention ? Il ne suffirait pas de vouloir être inventeur pour le devenir. Emerge-t-elle au sein de cerveaux individuels particulièrement bien armés pour cela ? S'agit-il au contraire de phénomènes collectifs rendus inévitables par la conjonction de certaines conditions dépassant largement les inventeurs ? Nul ne peut le dire aujourd'hui. Mais il serait urgent d'y réfléchir.

Ces considérations paraîtront peut-être un peu loin des échéances dangereuses qui menacent aujourd'hui les Grecs et avec eux les Européens et avec eux le reste du monde. Nous n'en sommes cependant pas si convaincus. A quoi bon la philosophie des sciences et celle des systèmes complexes si elle ne suggérait pas de temps en temps quelques bonnes idées, ou tout au moins certaines des conditions permettant de faire apparaître celles-ci ?
En voici un exemple :

Le type d'informations qui devraient mettre en mouvement les esprits les plus fermés

La presse relate ces jours-ci, sans s'y attarder, comme s'il s'agissait d'une information anodine, le fait que la majorité républicaine au Congrès des Etats-Unis se prépare à repousser sine die le financement du télescope spatial destiné à succéder à Hubble, le James Webb Space Telescope, de la Nasa, au prétexte que son coût estimé dépasserait le devis initial de $1,6 milliard (et, nonobstant le fait que l'agence spatiale européenne participe au projet). Dans le même temps, l'Einshower Research Project de la Brown University de Providence (Rhode Island) publie un rapport intitulé "Costs of wars; estimant à 4.000 milliards de dollars les coûts cumulés des deux guerres en Irak et an Afghanistan.

Faut-il rappeler que ces guerres ont été globalement voulues par la même majorité conservatrice qui exige aujourd'hui que l'Amérique non seulement renonce au James Wabb Telescope mais ampute une grande partie de ses budgets de recherche fondamentale. Faut-il également rappeler que les guerres au Moyen Orient n'ont atteint aucun de leurs objectifs annoncés. Elles ont par contre durablement affaiblie la position des Etats-Unis dans le monde. Tout au plus ont-elles permis d'enrichir un certain nombre d'entreprises de défense et de sécurité dont les actionnaires sont les mêmes qui prétendent parler aujourd'hui au nom du bon usage des deniers publics.

A une tout autre échelle, et pour revenir au cas de la Grèce, faut-il rappeler que le montant de la dette publique grecque, estimé à 350 milliards d'euros, est selon certaines analyses équivalent au montant des fraudes fiscales et détournements de la classe dirigeante grecque et de ses complices, mis à l'abri dans les paradis fiscaux.

Par ailleurs la Grèce dispose de plus de deux millions de jeunes dotés de titres universitaires ou de capacités professionnelles confirmées, aujourd'hui sans emplois. Ils pourraient si les moyens leur en étaient fournis s'investir dans des activités de recherche, de développement et de production qui changeraient radicalement les capacités de la Grèce (et de l'Europe) dans le combat pour la maîtrise technologique et intellectuelle dont le monde aura besoin tout au long du siècle actuel. Si les 350 milliards détournés par les spéculateurs grecs étaient mis au service de projets scientifiques et techniques fournissant des emplois aux jeunes chômeurs grecs, cela donnerait à chacun de ceux-ci un modeste capital de quelques 100.000 euros (calculons au plus juste), susceptible d'être utilisés en diverses actions de recherche. Combien de nouveaux produits et processus capables de bouleverser nos connaissances actuelles et nos moyens d'action dans l'univers pourraient-il en résulter à terme ?

Évidemment, les informations du type de celles que nous venons de présenter n'éveilleront aucun écho chez ceux pour qui remonter dans l'histoire de l'univers jusqu'aux temps primordiaux n'aurait aucune importance – ou pour qui développer de nouveaux projets scientifiques et techniques ne pourrait qu'être nuisible au regard de la nécessité de conserver intact un vieux monde dont l'évolution nous a mené aux brillants résultats que nous constatons. Mais de tels individus seront de plus en plus rares par la grâce de l'internet. Les données fondamentales permettant de mieux comprendre l'évolution du cosmos et de commencer à en modifier les règles circuleront de plus en plus largement. Un changement de philosophie, du type de celui demandé par le physicien David Deutch visant à considérer comme une priorité le développement des connaissances scientifiques, finira sans doute par se produire.

Alors les beaux esprits les plus bornés se demanderont, en se frappant le front pourquoi ils n'y avaient pas pensé plus tôt.

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Jean-Paul Baquiast
Jueves, 21 de Julio 2011


L'urgence à renforcer le couple franco-allemand viendra-t-elle en contradiction avec une autre urgence, donner à l'Union européenne le statut d'un Etat fédéral?
Ajoutons à l'attention de nos amis espagnols qu'un couple à 3, c'est-à-dire les intégrant, serait bien préférable, s'il s'averait possible



Nous sommes de ceux qui pensent que les deux nations, l'Allemagne et la France, ont manqué le rendez-vous de l'histoire il y a quelques années lorsque l'idée de renforcer les liens institutionnels entre l'Allemagne et la France, y compris en partageant des responsabilités politico-administratives, avait été évoquée. Faute d'hommes d'Etat visionnaires, dans les deux pays, ce projet n'a pas été encouragé. Aujourd'hui, nous allons le voir, le besoin s'impose plus que jamais. Mais ceux qui reprendraient une telle initiative viendraient-ils en contradiction avec une exigence beaucoup plus pressante, transformer progressivement l'Union européenne en Etat fédéral? On pourrait craindre en effet que si un pôle de puissance se constituait autour de l'Allemagne et de la France, les 25 autres Etats redouteraient de voir le cadre fédéral amputer leurs autonomies au profit de ce pôle. Nous croyons pour notre part qu'à condition de déployer un peu de diplomatie, il n'en serait rien. Toute Fédération juxtapose sans conflits des Etats fédérés inégalement puissants. Des dispositifs constitutionnels existent pour la défense des partenaires moins importants. Encore faudrait-il convaincre les opinions publiques de leur efficacité.

Le couple Franco-allemand. Les Allemands en veulent-ils encore?

Partager avec l'Allemagne des politiques communes, voire des institutions communes, devrait être généralement bien vu en France. Les Allemands sont appréciés et admirés, même s'ils suscitent moins de sympathies spontanées que d'autres voisins, Espagnols ou Italiens par exemple. Ces partages pourraient se faire dans des domaines où les deux pays disposent d'atouts semblables qui pourraient ainsi être renforcés. Il en serait ainsi par exemple des programmes de recherche scientifique ou des budgets d'éducation. Ils pourraient parallèlement être encouragés dans des domaines où les défaillances d'un pays seraient compensées par les avancées de l'autre. Evoquons par exemple la Défense, point fort de la France ou les coopérations stratégiques avec la Russie ou la Chine, point fort de l'Allemagne.

Beaucoup d'observateurs considèrent par contre que des mises en commun avec la France seraient aujourd'hui refusées par les Allemands, que ce soit par les grands intérêts industriels qui font aujourd'hui la loi à Berlin ou par l'opinion publique, laquelle se sent plus spontanément proche de l'Europe du Nord et de l'Est. Les Français seraient considérés avec la méfiance condescendante qui caractérise les relations de l'Europe centrale « sérieuse », avec l'Europe méditerranéenne plus insaisissable. Les changements de pied continuels et le culte de l'égo ayant caractérisé Nicolas Sarkozy ces dernières années n'auraient rien fait pour revaloriser l'image de la France.

De nombreuses analyses récentes, d'origine anglo-saxonne, vont plus loin. Elles visent à démontrer que l'Allemagne a désormais choisi d'une part de s'imposer en leader sans partage dans l'Union européenne et d'autre part de constituer, avec un groupe de pays suiveurs dans lequel la France n'aurait pas sa place, un axe de puissance intégrant la Russie et tourné vers la coopération d'égal à égal avec les pays asiatiques, notamment la Chine. Un article récent du New York Times, Europe's Economic Powerhouse Drifts East montre avec des exemples précis comment de grandes entreprises allemandes ont décidé de concentrer au profit de l'Est, notamment de la Chine, leurs efforts commerciaux et surtout leurs investissements. Elles ne tournent pas systématiquement le dos avec l'Europe, qui continue à jouer un rôle important pour elles, mais ce sera dorénavant l'Asie qui sera leur champ de bataille principal.

Ces entreprises et le gouvernement allemand à leur suite ne craignent apparemment pas la concurrence chinoise ni même des mesures unilatérales visant à les exclure du marché chinois. Elles font confiance pour cela à leur avance technologique qui les rendra incontournables à l'avenir, quels que soient les investissements de recherche/développement des entreprises chinoises. On conçoit que dans ces perspectives, le rapprochement avec des entreprises françaises poussives, n'investissant pratiquement pas et voyant se réduire leurs marchés, n'intéresse plus les Allemands. Ils craindraient par ailleurs comme la peste les tentations de protectionnisme que pourraient avoir le gouvernement français en cas d'aggravation de la situation économique intérieure.

Les mêmes think-tanks atlantistes opérant sans contrainte en Europe même font valoir qu'un éventuel couple franco-allemand renforcé (dont ces think-tanks ne veulent pas) terrifierait les autres pays européens. Ces pays ne craindrait pas dans ce couple le leadership allemand, au contraire. Selon l'image du New York Times, beaucoup seraient prêts à reprendre le refrain du Deutschland über alles. Mais ils craindraient par dessus tout l'influence et les initiatives françaises, présentées comme franco-centrées, irresponsables et politiquement aventureuses. A cet égard, il est certain que la France aurait beaucoup à faire pour mieux faire admettre à ses voisins les politiques ambitieuses dont elle pourrait rêver et dont le couple franco-allemand pourrait être un des acteurs. L'arrogance supposée de la « Grande Nation » n'a pas fini de faire des ravages.

Il faut prendre garde cependant que les analyses évoquées ci-dessus, même si elles reposent sur des observations incontestables, ont tendance à dramatiser la montée en puissance de l'Allemagne et sa volonté de devenir une sorte de nouveau « führer » au sein d'une Europe réduite aux tâches mineures. Elles émanent en effet de sources anglo-américaines pour qui traditionnellement la constitution en Europe d'une axe franco-allemand fort a toujours été considéré comme le risque absolu. Le capitalisme industriel allemand, sur le modèle dit rhénan, comme les politiques économiques régaliennes et interventionnistes traditionnelles en France, contredisent en effet directement le modèle néo-libéral anglo-saxon reposant sur la prédominance des intérêts financiers dans un monde systématiquement voulu sans frontières. Il y a donc intérêt pour les Etats-Unis à maximiser les différentiels de civilisation entre l'Allemagne et la France et présenter par ailleurs comme dangereux pour le rêve toujours vivace d'un « grand marché nord-atlantique » les stratégies allemandes d'ouverture à l'Est (voir sur ce "rêve" notre brève ici jointe) .

Concernant l'avenir des projets allemands en Asie, il faudrait en Europe même rester prudent. Bien que la Chine accepte encore volontiers des partenariats avec le capitalisme industriel allemand, elle sera tentée en cas de renforcement de ses difficultés intérieures de se recentrer sur ses propres ressources, privant ainsi à l'avenir l'économie allemande d'un de ses moteurs. Si l'Europe, et plus particulièrement la France, savaient au contraire sortir de leur atonie et offrir à l'Allemagne, comme d'ailleurs à la Russie, de nouvelles opportunités de développement, ces grandes nations cesseraient de se détourner des enjeux de la coopération intra-européenne. C'est sur un tel pari que reposerait un ambitieux projet fédéral européen, lui même axé sur un couple franco-allemand renforcé.

Un ensemble franco-allemand fort dans une Fédération européenne forte.

Si l'on voulait que les deux exigences résumées dans ce sous-titre puissent progresser en parallèle, il faudrait convaincre les intérêts économiques mais aussi les opinions publiques, dans les deux pays comme dans le reste de l'Europe, que la chose serait possible et bénéfique. Autrement dit, il faudrait montrer que des partenariats stratégiques accrus entre l'Allemagne et la France bénéficieraient à tous les pays européens, voire à des pays non-européens voisins, autour de la Méditerranée notamment.

Les exemples de tels bénéfices possibles ne manquent pas. D'ores et déjà la coopération historique qui s'était établie autour d'un pôle franco-allemand dans les industries aéronautiques et spatiales a entrainé de nombreux partenaires européens. Aujourd'hui, si Daimler semble bouder ce secteur pour lui préférer la mécanique, l'avenir devrait rester prometteur, à condition de savoir se garder des abandons prématurés de savoir-faire. Il pourrait en être de même du ferroviaire et des grandes technologies intéressant les réseaux terrestres, l'aménagement du territoire, le traitement des déchets et la protection des littoraux. Concernant les industries de défense et leurs applications duales, la France et l'Allemagne disposent d'une compétence sans égale dont pourront un jour bénéficier tous les pays européens, s'ils acceptaient de se rallier au concept d'une défense européenne s'émancipant de la tutelle politique et technologique américaine.

De la même façon, sans mentionner le cas particulier du nucléaire, on pourrait admettre qu'en ce qui concerne toutes les énergies non productrices de CO2, la nécessité d'une concurrence interne entre industries européennes, à laquelle tient beaucoup l'Allemagne, ne devrait pas exclure des coopérations entre l'Allemagne, la France et les autres pays. Il en serait de même dans le domaine des industries chimiques, pharmaceutiques et du vivant, du numérique, de la robotique et de l'intelligence artificielle.

Dans tous ces cas, et bien d'autres que nous ne citerons pas ici mais qui sont très connus de nos lecteurs, le projet fédéraliste que nous avons présenté par ailleurs, visant à constituer un grand fonds stratégique d'investissement financé par les épargnes européennes, pour un montant cumulé d'au moins 1000 à 1500 milliards, permettrait d'ouvrir de larges espaces de développement aux champions industriels et scientifiques allemands, français ainsi qu'à ceux existant ou à créer dans l'ensemble des autres pays européens, petits ou grands.

Ceci pourrait permettre, sans rien retirer à la puissance propulsive du moteur industriel allemand, de mieux assurer ses échanges avec des concurrents/partenaires européens. Le moteur allemand pourrait ainsi contribuer plus qu'aujourd'hui au développement de l'Union toute entière, ainsi qu'au couple franco-allemand au sein de celle-ci.

Mais il faudrait pour que tout ceci se produise que la France, l'Allemagne et les autres Etats européens adhérent au projet fédéraliste que nous avons décrit dans plusieurs articles. Il faudrait aussi que les nains qui nous gouvernent cèdent la place, sous la pression d'opinions populaires enfin convaincues, à des dirigeant(e)s de très grande stature. Ce serait sans doute là le pas le plus difficile à franchir. Mais les crises font parfois surgir des ressources humaines inattendues.
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European Network of Geopolitical Thinking
Eduardo Martínez
The European Network of Geopolitical Thinking, established in April 2011 on the Isle of Thought, Galicia (Spain), aims to contribute to the positioning Europe in the new global geopolitical context.

La reunión constitutiva de la Red Europea de Reflexión Geopolítica tuvo lugar del 26 al 29 de abril de 2011 en San Simón, Isla del Pensamiento, Galicia, España.


Geoeconomía. Blog de Eduardo Olier

Conocimiento. Blog de Fernando Davara

Inteligencia. Blog de Fernando Velasco


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