Red Europea de Reflexión Geopolítica

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Réseau européen de réflexion géopolitique/European network of geopolitical thinking





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Jean-Paul Baquiast
Miércoles, 8 de Febrero 2012


Le ministre de l'Intérieur français Claude Guéant a créé le 4 février un tollé avec cette phrase : "Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas." Il a explicité ensuite sa pensée en précisant vouloir défendre la démocratie, les libertés individuelles et les droits de femmes. « J'ai tenu des propos de bon sens, des propos d'évidence pour rappeler que toutes les civilisations ne se valent pas au regard des valeurs humanistes qui sont les nôtres".




Texte en discussion

Comment pourrions nous ici évaluer le propos du ministre et le débat qui l'a suivi avec un minimum de références à la science politique, à supposer qu'il existe une science politique ayant quelque prétention à la scientificité ? 1)

Il paraît indiscutable que dans leur très grande majorité les citoyens des sociétés politiques européennes se reconnaissent dans des valeurs communes comme le respect des droits civiques, l'égalité entre les hommes et les femmes ou le refus de la peine de mort, sans mentionner (en général) le séparation stricte entre les religions et les institutions publiques. Ils ne pourront donc jamais accepter de se voir imposer ni même proposer des valeurs différentes provenant de sociétés elles-mêmes différentes, notamment le refus de la liberté d'expression, l'assujettissement des femmes aux hommes, la peine de mort par lapidation ou la charia, qui est l'instauration d'une règle religieuse en règle d'Etat. Autrement dit, les civilisations, ou si l'on préfère un terme moins ambitieux, les cultures, qui mettraient en oeuvre de telles valeurs ne pourraient être considérées par les Européens comme équivalentes et a fortiori substituables à la civilisation ou la culture européenne.

Ce point paraît si évident que l'on ne comprend pas pourquoi, en dehors des exigences de la propagande politique en période électorale, le ministre a eu besoin de le rappeler, ni l'opposition de gauche de s'indigner de ce rappel. Aux yeux de l'anthropologie politique, il paraît incontestable que les sociétés humaines, quelles qu'elles soient, se construisent autour d'intérêts et de valeurs qui leur sont spécifiques. Il s'agit là d'une forme de ce que l'on pourrait appeler un relativisme scientifique. Il n'y aurait pas d'ethnologie ni de sociologie comparées si l'on postulait que toutes les sociétés se ressemblent et que leurs valeurs sont identiques. Il serait peu scientifique, sous prétexte d'une exigence d'universalisme, de prétendre que les valeurs des unes pourraient s'appliquer aux autres sans un long processus permettant de construire démocratiquement les contenus d'une civilisation commune.

Ce relativisme, qui est tout le contraire de ce que Claude Guéant reproche à la gauche (nous y reviendrons), signifie que sauf à perdre ce qui fait jusqu'à présent leur spécificité, les Européens ne pourraient pas accepter que s'exercent au sein de leurs sociétés, des principes ou des pratiques reposant, par exemple, sur l'assujettissement de la femme à l'homme.

En contrepartie d'ailleurs, le relativisme tel que nous le définissons ici devrait condamner le fait qu'au nom de leurs valeurs, les Européens s'engagent dans des campagnes visant à éliminer au sein des sociétés non européennes des valeurs ou des pratiques qui ne seraient pas les leurs. Concrètement, on ne voit pas de quel droit les Européens pourraient entreprendre des actions visant à combattre l'assujettissement de la femme ou la peine de mort (avec ou sans lapidation) dans les sociétés qui continuent à s'inspirer de ces principes. Tant que ces sociétés, pour des raisons religieuses ou sous l'influence de traditions anthropologiques anciennes continuent à le faire, les Européens devraient admettre que cela ne les regarde pas et qu'ils n'ont pas à s'en mêler. Ils devraient par contre rester inflexibles face aux tentatives de ceux qui voudraient importer de telles pratiques ou règles en Europe même.

Raisonner ainsi peut choquer certains idéalistes, qu'ils soient de gauche ou de droite. Cela exclut en effet l'hypothèse rassurante selon laquelle il existerait une nature humaine commune à toutes les sociétés et susceptible de contribuer à définir des valeurs humanistes ou universelles qu'il conviendrait ensuite de faire triompher partout. Nous pensons pour notre part qu'un tel universalisme serait sans base scientifique, tant du moins que l'on prétendrait le décrire en dehors des références à l'observation.

Il est indéniable qu'il existe certains réflexes de base communs à tous les humains (comme d'ailleurs présents dans de nombreuses sociétés animales). Ainsi l'empathie, la capacité à coopérer pour faire face à des dangers communs. Mais dans l'ensemble, les sociétés humaines présentent des traits communs qui ne poussent guère à la coopération : lutte pour le pouvoir, pour l'appropriation des ressources, pour la conquête des territoires. Même les valeurs religieuses qui se parent d'universalisme démentent tous les jours cette prétention, en se livrant à des guerres de religion incessantes. Des philosophies politiques qui refuseraient de tenir compte de ces constatations, dans le souci de propager l'entente entre les peuples, perdraient toute crédibilité. Si dans l'avenir, l'élaboration de valeurs universelles devait s'imposer, comme il serait peut-être souhaitable, ce ne serait qu'au terme de longs débats démocratiques et non en obligeant chacun à l'abandon de ses spécificités culturelles ou civilisationnelles.

Il paraît donc difficile de critiquer sur le fond, en termes scientifiques, les propos de Claude Guéant cités ci-dessus. Ils confirment ce que nous essayons de défendre par ailleurs en matière de méthodologie scientifique, c'est-à-dire la méthode MCR, ou méthodologie de conceptualisation relativisée, présentée par Mioara Mugur Schaechter, que nous voudrions voir étendre à l'ensemble des sciences, notamment aux sciences humaines et sociales. Pour cette méthodologie, il n'existe pas de réalité en soi, s'imposant de façon universelle à tous les observateurs. C'est à chacun de ceux-ci, avec les instruments dont il dispose, de construire le produit de ses observations. Viennent ensuite des discussions entre observateurs, notamment dans le cadre de la confrontation entre hypothèses scientifiques, permettant de faire émerger des « réalités » relatives, elles-mêmes soumise par définition à des révisions permanentes.

Notons à ce sujet que le ministre se trompe (faute sans doute d'avoir étudié MCR) quand il impute à une idéologie relativiste le fait que, selon lui, pour la gauche, toutes les valeurs seraient équivalentes. D'une part, nous venons de le suggérer, la gauche n'a jamais dit cela. D'autre part, à supposer qu'elle le dise, elle ferait preuve non pas de relativisme mais au contraire d'un universalisme mal fondé, inspiré par de bons sentiments ne tenant pas compte de l'observation sociologique. Le terme de relativisme, tel que Claude Guéant l'utilise, relève du parler populaire : "tout se vau"t, "on ne peut se référer à aucune valeur supérieure". Il ne peut donc être utilisé de façon scientifique.

Pourquoi ce tollé ?

Mais alors pourquoi la gauche quasiment toute entière s'est-elle insurgée contre les propos de Claude Guéant, au risque de paraître nier des évidences ? C'est parce qu'elle y a vu la volonté d'opposer entre eux des citoyens pouvant se prétendre européens de longue date et d'autres vivant en Europe, souvent d'ailleurs dotés de titres de nationalité européens, mais se référant à des traditions ou à des croyances religieuses qui demeurent encore minoritaires en Europe.

Pour la gauche, si l'on peut interpréter sa philosophie politique, il ne faut pas exclure (ou stigmatiser, selon l'expression devenue quasi obligatoire) telle ou telle fraction du corps politique. Il faut au contraire unir les citoyens. Si l'on prétend que les musulmans européens (puisqu'il s'agit d'eux), qu'ils soient établis de longue date en Europe ou qu'ils viennent seulement d'immigrer, veulent tous y imposer les lois et usages régnant dans les pays musulmans, il est évident qu'aucun accord ne sera possible entre ces musulmans et les institutions et citoyens européens. Il serait naïf de nier que certains religieux intégristes n'essayent pas de le faire. La gauche serait irresponsable de ne pas le voir et de ne pas réagir. Mais dans l'ensemble,elle fait le pari de l'intégration, c'est-à-dire l'abandon par les immigrés anciens ou récents des institutions en vigueur dans leurs pays d'origine, au bénéfice des valeurs européennes.

Dans cette perspective, une discussion ne peut cependant être évitée : que sont exactement les valeurs européennes ? S'il existe comme nous le pensons, une authentique civilisation européenne, en quoi consiste-t-elle ? Certains des aspects n'en sont-ils pas contestables, parce obsolètes sinon dangereux ? Un député a rappelé récemment à l'Assemblée nationale qu'il y a quelques décennies était sorti du coeur de la civilisation européenne le nazisme et la shoah. Ce n'est évidemment pas ce que Claude Guéant voudrait voir ressurgir. C'est cependant pour éviter de tels risques que s'impose l'approfondissement, y compris en termes de science politique, de ce que signifie l'Europe, comme de ce qu'elle sera susceptible de devenir.Il faudra le faire en y associant, afin de mieux les intégrer, l'ensemble des Européens, quelles que soient les nations auxquelles ils appartiennent, ou dans le cas des immigrés anciens ou récents, de quelque pays non européens qu'ils proviennent,

Nous ne pouvons sur ce site qui considère la science politique comme devant être une véritable science, que constater l'insuffisance des études qui permettraient aux Européens de jeter sur leur présent et leur avenir un minimum de regard scientifique. S'il existe – ce que répétons-le, il serait peu scientifique de nier - une entité européenne, comment la définir ? Comment essayer de la faire évoluer ? La question se pose au regard des valeurs et des institutions de la société européenne, mais tout autant au plan de ses comportements sociologiques, économiques, industriels, diplomatiques. On ne pourrait en effet prétendre, sous le prétexte d'un illusoire universalisme, que les pratiques adoptées par les grandes puissances avec lesquelles les Européens sont qu'ils le veuillent ou non en compétition, puissent être imposées sans changement en Europe.

En disant la chose autrement, il conviendrait d'urgence en Europe de développer une science politique véritablement européenne. La tâche nous dépasse. Nous avons cependant depuis que ce site existe tenté d'en définir certains des aspects. Nous allons continuer à le faire, en coopération avec ceux qui partagent un tel objectif. Ce pourrait-être le cas avec nos amis espagnols du présent Réseau.


1) Ce que ne semble plus croire aujourd'hui l'Institut d'études politiques de Paris, anciennement « Sciences Po », qui aspire à devenir une Business School à la française

La chancelière Angela Merkel vient de rappeler devant le Forum Economique de Davos, le 25 janvier, ce qui constitue pour elle et la majorité libérale chrétienne-démocrate allemande la base de la politique nécessaire au redressement économique de l'Europe.



Il faut selon elle continuer la réduction des dépenses publiques dans la perspective de la généralisation de la règle d'or (deficits publics limités à 3% des PIB) , rendre toujours plus flexibles les rémunérations et les droits sociaux des travailleurs, ne pas «doubler, voire tripler», les moyens actuellement mis en œuvre par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou le futur Mécanisme européen de stabilité (MES), ne pas faire appel à la BCE non plus qu'au FMI pour racheter les dettes des Etats.

Dans ces conditions, des mesures spécifiques pour relancer la croissance en Europe ne s'imposeraient pas. La reprise de l'investissement pourrait en découler spontanément. L'Allemagne, manifestement, compte sur sa position très forte de leader économique de la zone euro pour imposer aux autres pays cet agenda ultra-libéral.

Face à cela, au moment où en France les propositions du candidat Hollande rencontrent le soutien appuyé d'un nombre croissant d'organisations politiques et d'experts, certaines voix, notamment au parti de Gauche (J.L. Mélenchon, M.L. Buffet), s'étonnent de voir la timidité sur ces questions du Parti socialiste et de son programme. Concernant les institutions européennes, notamment, pourquoi François Hollande ne mentionne-t-il pas la réforme du statut de la BCE, afin de lui permettre, comme la FED américaine, de mettre des euros à la disposition non seulement des Etats en difficulté de financement, mais au service des besoins considérables d'investissement des acteurs économiques? Pourquoi, plus précisément, ne pas lancer l'hypothèse d'un Banque publique fédérale ou d'un Fonds stratégique d'investissement européen doté d'au moins 500 milliards de capital? Pourquoi ne pas rappeler l'urgente nécessité d'un gouvernement économique de la zone euro permettant notamment la progressive convergence des législations sociales et fiscales? Pourquoi ne pas évoquer de grands programmes industriels susceptibles d'être menés au niveau européen, afin d'atteindre des seuils d'efficacité inaccessibles dans un seul pays.

Nous ne sommes pas qualifiés pour répondre à la place des socialistes. Disons cependant que selon nous, François Hollande élu président ne renoncera pas à négocier de telles mesures pour le compte de la France – d'autant plus qu'en France et en Europe, elles pourront susciter l'adhésion de toutes les forces politiques et syndicales voulant une Europe capable d'échapper par ses voies propres à la finance mondiale. Indéniablement les partis sociaux démocrates et socialistes européens s'inscrivent déjà plus ou moins dans ces perspectives. Ils les feront leurs si une majorité d'électeurs européens les reprennent à leur compte.

Mais on ne doit pas confondre pour le moment les élections en France et des basculement éventuels de majorité en Europe. François Hollande aurait suscité les moqueries de la droite s'il avait paru oublier que les mesures énumérées ci-dessus ne dépendent pas que de la France. Elles devront être négociés avec nos voisins en déployant conviction et continuité – ce dont Nicolas Sarkozy s'est montré incapable. Nul doute que si les experts du futur gouvernement français de gauche alimentent en arguments nos futurs négociateurs à Bruxelles ou dans les instances politico-syndicales européennes, un programme de gauche pour l'Europe toute entière pourrait rapidement être adopté. Ceci d'autant plus que l'accumulation des problèmes voire des révoltes résultant de l'accentuation de l'agenda libéral ne laissera guère d'autres choix. Y compris à Mme Merkel.

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Jean-Paul Baquiast
Domingo, 22 de Enero 2012


Comme beaucoup, nous attendions avec une certaine appréhension la grande profession de foi du candidat Hollande au Bourget ce 22 janvier. Allait-il dépasser la confrontation avec Nicolas Sarkozy pour traiter ce que sont pour nous et pour beaucoup d'autres électeurs les vraies priorités de la France et de l'Europe?



Or nous n'avons pas été déçus. Toutes les priorités ont été abordées, avec au cas par cas l'énoncé de solutions politiques et économiques susceptibles d'être portées par le futur président, mises en oeuvre par le futur gouvernement. Le lieu n'est pas ici de revenir sur la longue liste énoncée avec une conviction contagieuse par François Hollande. Citons dans le désordre la mise au pas de la finance, le financement de l'investissement industriel et scientifique, la réinsertion des quartiers périphériques, la relance de l'alliance avec l'Allemagne, la défense sans ambiguïté des valeurs de la République et de la laïcité, le soutien aux services publics, le renforcement du projet éducatif, le départ de l'Afghanistan, la refonte de certains points des traités européens devenus paralysants, le refus des extrêmes-droites nationalistes.

Nos voisins européens pourront se rassurer. François Hollande, outre une connaissance étendue des dossiers, a montré qu'il ne s'imaginait pas que la France puisse seule conduire ces réformes. Il lui faudra convaincre les autres Etats afin de mobiliser toutes les forces européennes dans une entreprise débordant largement les objectifs de la seule social-démocratie. De larges domaines de négociation diplomatiques pourront donc s'ouvrir dès les élections, sinon avant, afin de reconstruire l'Europe sur de nouvelles bases.

La droite française fait déjà largement valoir que les mesures proposées heurteront tellement d'intérêts qu'elles seront bloquées dans l'oeuf ou détournées. C'est là que le nouveau gouvernement devra reprendre le flambeau que vient de lui confier François Hollande. Celui-ci a su faire naître au Bourget une ferveur peu vue depuis 1981 et la Libération. Lorsqu'un grand projet politique transcende les intérêts particuliers en se mettant au service des valeurs républicaines, il peut provoquer des miracles de la part des citoyens. C'est ce que Victor Hugo avait superbement dit à propos des soldats de l'An II.

La tristesse et la peur leur étaient inconnues.
Ils eussent, sans nul doute, escaladé les nues
Si ces audacieux,
En retournant les yeux dans leur course héroïque
Avaient vu derrière eux la grande République
Montrant du doigt les cieux ! ...


Si la France sait générer un tel enthousiasme chez ses citoyens, nul doute que nos voisins et amis européens ne s'en inspirent aussi. Alors l'Europe n'aura plus d'adversaires susceptibles de l'inquiéter.
Jean Paul Baquiast
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European Network of Geopolitical Thinking
Eduardo Martínez
The European Network of Geopolitical Thinking, established in April 2011 on the Isle of Thought, Galicia (Spain), aims to contribute to the positioning Europe in the new global geopolitical context.

La reunión constitutiva de la Red Europea de Reflexión Geopolítica tuvo lugar del 26 al 29 de abril de 2011 en San Simón, Isla del Pensamiento, Galicia, España.


Geoeconomía. Blog de Eduardo Olier

Conocimiento. Blog de Fernando Davara

Inteligencia. Blog de Fernando Velasco


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